Les enseignements du Bouddha

Ayant atteint l’Éveil, Bouddha n’envisage tout d’abord pas d’en partager le chemin, tant celui-ci lui paraît difficile à suivre. Mais Brahma, l’un des dieux les plus importants du panthéon hindou, lui apparaît, et parvient à le convaincre de « mettre en branle la Roue de la Loi ».

Ses premiers disciples sont ses cinq anciens compagnons d’ascèse. Il prononce devant eux son premier sermon, connu sous le nom de sermon de Bénarès ou sermon du Parc aux gazelles, dans lequel il enseigne les « Quatre Nobles Vérités », ainsi que le principe de la « Voie du milieu », qui préconise la modération en toutes choses, y compris en ce qui concerne la quête spirituelle. La première communauté monastique (sangha) est ainsi fondée.

Bouddha reste moine toute sa vie, parcourant le bassin du Gange en prêchant sa doctrine (dharma) à la saison sèche et faisant retraite à la saison humide. Ayant atteint un âge fort avancé, il s’éteint à Kusinagara, connaissant enfin le nirvana complet (parinirvana), c'est-à-dire la cessation du cycle des renaissances. Son corps est brûlé, et ses ossements sont enterrés en divers endroits, là où seront ensuite construites les futures stupa.

2.2.1 Les Quatre Nobles Vérités

2.2.1.1 Première vérité : tout est souffrance

Naître, vieillir, être malade, mourir, être séparé de ce qu’on aime, ne pas obtenir ce que l’on désire : la vie humaine s’identifie avec la souffrance (dukkha), et la racine de cette souffrance se trouve dans la conscience de l’impermanence de toute chose.

2.2.1.2 Deuxième vérité : l’origine de la souffrance est dans le désir

L’homme ne cesse de désirer. Son désir est quotidien et porte sur les objets et les êtres les plus triviaux, mais il désire également ne pas mourir et ne pas renaître. Aucun de ses désirs ne peut être assouvi, mais tous conduisent à des actes, qui eux-mêmes s’inscrivent dans le karma, entraînant rétribution et renaissance.

2.2.1.3 Troisième vérité : il existe un état de cessation de la souffrance

L’absence de désir entraîne la cessation de l’action, et donc du mécanisme des renaissances : c’est le nirvana (« extinction » en sanskrit).

2.2.1.4 Quatrième vérité : il existe un moyen d’atteindre cet état de cessation de la souffrance

Faire cesser le désir passe par un chemin spirituel en huit étapes, le Chemin-à-huit-Branches : compréhension juste, pensée juste, parole juste, action juste, moyens d’existence justes, effort juste, attention juste et concentration juste.

De ces quatre nobles vérités, le bouddhisme tire certaines conséquences, qui concernent notamment la nature du Soi, le samsara, le karma, et le nirvana.

Chemin-à-huit-Branches ou octuple sentier (en sanskrit, astangika-marga, en pali atthangika-magga), dans la doctrine bouddhiste, voie permettant d’éliminer la souffrance (dukkha) inhérente à l’existence, et de parvenir à la délivrance (nirvana). Le Chemin-à-huit-Branches constitue la dernière des Quatre Nobles Vérités.

Cette dernière des Quatre Nobles Vérités fait partie de l’enseignement primitif du bouddhisme, dévoilé par le Bouddha historique lors de son premier sermon à Bénarès. Parfois appelée « chemin du juste milieu », elle est une voie de la modération qui invite l’adepte à éviter deux extrêmes : la quête continuelle du plaisir d’une part et la mortification ascétique d’autre part. La mise en pratique de l’octuple sentier permet à l’individu d’être soulagé du fardeau du karma et d’être libéré du cycle indéfini des renaissances (samsara).

Les huit étapes du chemin sont :

1) la compréhension juste (comprendre le monde tel qu’il est, c'est-à-dire comme le décrivent les Quatre Nobles Vérités) ;
2) la pensée juste (renoncer à l’égoïsme et à la violence) ;
3) la parole juste (se garder des mensonges, des offenses et des propos futiles) ;
4) l'action juste (se garder d’actes tels que le meurtre, le vol et les relations sexuelles illégitimes) ;
5) les moyens d’existence justes (s’abstenir de gagner sa vie de façon malhonnête ou contraire aux principes du bouddhisme) ;
6) l’effort juste (travailler au développement de capacités mentales justes et saines) ;
7) l’attention juste (prendre conscience de son corps, de ses sensations, de ses émotions et de ses pensées ;
8) la concentration juste (apprendre à se concentrer et s’entraîner à la méditation).


Ces huit préceptes forment le cadre d’une discipline complète du corps et de l’esprit. Destinés aux fidèles laïcs comme aux moines, ils sont réputés mener infailliblement à la liberté, au bonheur et à la sérénité.

2.2.2 Nature du Soi

L’hindouisme supposait l’existence de l’atman (souffle vital), terme métaphysique désignant le « Soi » le plus intime de chaque créature, qui la rattacherait à l’universel et qui, captif du monde matériel et des renaissances successives, aspirerait à la délivrance.

Le bouddhisme rejette l’existence de l’atman, et réduit le Soi à une création momentanée et fortuite, due à la coopération mutuelle des cinq éléments physiques et moraux (skandha) qui composent l’homme : la corporéité, les sensations, les perceptions, les désirs et les connaissances. Ces éléments étant impermanents, l’homme, qui n’en est que la combinaison temporaire, ne peut être lui aussi que voué à l’impermanence.

2.2.3 Samsara

Bouddha affirme ainsi que toute existence est conditionnée par le non-soi (anatman), l'éphémère (anitya) et la souffrance (dukkha), ce qui lui impose également une reformulation de la conception indienne du cycle des renaissances : il envisage alors l’existence de douze facteurs interdépendants dont l’enchaînement causal (pratityasamutpada, littéralement « production conditionnée ») est à l’origine de la souffrance : de l'ignorance naissent les formations mentales, d’où naissent les pensées conscientes, d’où naît l’activité physique et psychique, d’où proviennent le fonctionnement des sens et l’activité mentale, d’où naît le contact avec le monde, d’où naissent les sensations, d’où provient le désir, d’où naît l’action, d’où provient le devenir, d’où provient la renaissance, d’où naît ainsi la souffrance.

Cet enchaînement déclenche donc le processus de la renaissance, produisant ainsi un cycle sans cesse renouvelé de naissances et de morts. Par le biais de cette chaîne de causalité, un lien s'établit bien entre l'existence présente et celle à venir, mais cette conception d'un flux d'existences multiples s'oppose en fait à celle de l’existence d'un « Soi » permanent, qui transmigrerait de vie en vie.

2.2.4 Karma

De même que la flamme d’une lampe n’est jamais la même puisqu’elle se nourrit d’un combustible perpétuellement renouvelé, de même l’âme est-elle constamment recréée par une union nouvelle des cinq éléments, qui s’agrègent selon la loi du karma. Une personne périt, une autre renaît, et la seconde, différente de la première, en dépend pourtant.

Notion fondamentale de la philosophie hindoue, le karma prend ainsi avec le bouddhisme une nuance plus morale : les actions des hommes conditionnent leurs vies futures, les bonnes actions étant source de bienfaits et les mauvaises d’inévitables sanctions. Le karma de chacun détermine ainsi son apparence, son intelligence, sa longévité ou sa richesse, mais surtout son statut : animal, habitant des enfers, dieu du panthéon hindou, ou bien humain — et au sein de cette dernière catégorie, homme, femme, brahmane, guerrier ou sans caste.

Le bouddhisme privilégie d’emblée la naissance humaine, plus particulièrement celle du moine prêt à consacrer sa vie à l’étude et à la méditation. Les dieux ont certes une existence plus agréable que les hommes, mais ils se préoccupent plus de leur plaisir que de l’Éveil, tandis que les autres catégories d’êtres vivants n’ont pas même les moyens d’y penser.

2.2.5 Nirvana

Selon l’enseignement bouddhiste, le but ultime est la juste compréhension de la nature du monde et des hommes, chemin qui mène à la rupture de la chaîne des existences et de son cortège de souffrances. Ce but est le nirvana, un état d'Éveil où les feux du désir, de la haine et de l’illusion se sont éteints.

Le nirvana n'est pas un néant, mais un niveau « autre » de conscience, qui dès lors se trouve au-delà des définitions et des concepts. Le nirvana complet (parinirvana) n’existe que dans la non-action, elle-même — du point de vue des vivants — relativement proche de la mort. On ne reste donc pas en nirvana, même l’Éveil atteint ; en revanche, on peut choisir de rester « sur terre » pour continuer sa pratique et enseigner la voie, afin également de se débarrasser de ses dernières parcelles de karma et d’entrer, au moment de sa mort humaine, en nirvana complet.

Le nirvana n’est pas un lieu, et n’a rien à voir avec le bonheur ou le plaisir. Cependant la conception primitive, très spirituelle, du nirvana s’est parfois rapprochée, dans les formes ultérieures du bouddhisme, de celle d’un Paradis plus proche de celui des Chrétiens.

2.3 La doctrine bouddhique

Le bouddhisme ne recherche pas l’adhésion de la masse, puisqu’il suppose, pour être compris et suivi, l’état monastique. Aux laïcs, il conseille une vie simple, dans l’obéissance aux préceptes, et la générosité envers les moines, leur laissant l’espoir d’une meilleure renaissance. Aux moines, il propose une vie de prières et de privations, au sein d’une confrérie de moines mendiants qui n’exercent aucun sacerdoce mais qui, par l’exemple de leur vie, montrent le chemin du salut. Le bouddhisme, s’il a connu de nombreuses transformations dans le temps, est d’ailleurs resté, partout et toujours, une pratique de moines.

2.3.1 La vie monastique

La première communauté (sangha) fondée par Bouddha n’est pas régie par des règles strictes. Mais, après sa mort, la vie monastique s’entoure rapidement de préceptes et de défenses, qui seront par la suite mis par écrit dans les textes du Sutra Vinaya, l’une des Trois Corbeilles (tripitaka) du canon bouddhiste.

Devenir moine (bhikhu) suppose d’abord d’être accepté par la communauté, puis de recevoir, au terme d’un noviciat plus ou moins long, l’ordination définitive. Le nouveau moine reçoit alors sa robe et son bol, et prononce ses vœux définitifs, par lesquels il s’en remet aux Trois Refuges (triratna) du bouddhisme : Bouddha, la loi (dharma) et la communauté (sangha). La vie d’un moine s’organise autour de quelques défenses essentielles : ne pas tuer de créature vivante, ne pas voler, ne pas connaître de pensée impure, ne pas mentir, ne pas consommer d’alcool, s’abstenir sexuellement, rester célibataire, ne pas manger après midi, ne pas posséder d’objets précieux, etc.

Traditionnellement, un moine voyage seul ou en compagnie d’un disciple, la tête rasée, vêtu d’une simple robe orangée découvrant son épaule, ne possédant que son bol pour l’aumône de riz quotidienne. Du lever du soleil à midi, il mendie sa nourriture, son après-midi étant consacrée à l’étude et à la contemplation. Il ne rejoint sa communauté qu’à la saison des pluies, lorsque le sol devenu impraticable empêche son errance.

La vie monastique est rythmée par le « rituel de la confession » (uposatha), organisé les jours de nouvelle et de pleine lune. Il s’agit de réciter les règles et de confesser publiquement les manquements. Les moines célèbrent également la fin de la saison des pluies, l’anniversaire de l’entrée en nirvana du Bouddha et l’anniversaire de sa victoire sur la déesse de l’illusion Mara.

Au fil du temps, les moines se sédentarisent, s’organisant en communautés parfois très puissantes. Vivant d’aumônes et ne payant pas d’impôts, ils seront parfois persécutés, notamment en Chine ou la multiplication des monastères sera à l’origine de la disparition progressive du bouddhisme dans ce pays. Selon les lieux et les époques, les monastères se rapprocheront ainsi de forteresses, d’universités ou de riches exploitations terriennes.

Il est évident que la communauté bouddhique, en faisant l’impasse d’un message spirituel suffisamment simple et fort, ne pouvait qu’éclater rapidement : bientôt les écoles se multiplient, tandis que divers syncrétismes populaires font leur apparition.

2.3.2 Le bouddhisme laïc

Le bouddhisme laïc est assez éloigné de celui des moines, en ceci qu’il n’est pas fondé sur une pratique, mais plutôt sur l’observance de quelques règles et sur un culte solitaire, qui s’accroche, selon les lieux et les époques, à différents matériels : stupa ou autel des monastères ouverts aux offrandes publiques, autels domestiques, statues, etc.

L’absence de rites laisse la voie ouverte à un culte syncrétique qui prend rapidement des formes très diversifiées, se mêlant aux croyances populaires ainsi qu’aux autres religions. Des pèlerinages s’organisent, vers des lieux tels que ceux de la naissance de Bouddha, de son Éveil, de son premier sermon, de sa mort, etc.

Les nouvelles formes de bouddhisme, qui s’ouvrent aux classes populaires en leur promettant le salut dans cette vie et se montrent plus proches des préoccupations quotidiennes des hommes du commun, entraînent une vague massive d’adhésions. Le calendrier bouddhique s’enrichit rapidement de très nombreuses fêtes, dont les dates et les objets dépendent des lieux et des époques. Les plus largement répandus sont les rites de protection et les fêtes consacrées aux âmes des morts.

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