Le Védique Panthéon


Sommaire : Les passages de Visnu (texte ci dessus) : Vishnu, Krishna, Buddha, Kalki.
Shiva (destruction)
Yama (dieux des morts)
Vishnu (conservations)
Apsara (Déesses)

Les GRANDES DIVINITES de l'HINDOUISME  

L'Etre-Cosmique : Purusha

La personne ou Etre-Cosmique se compose de deux éléments : un élément mâle, inactif et un élément de complément féminin appelé nature (Prakiti) ces deux éléments fusionnent pour ne faire qu'une entité. Le macrocosme de l'Univers correspond au microcosme de notre corps.
 

Dans l'Etre-Cosmique la somme de tous les corps physiques sont appelés " le Glorieux  (Virât) " Ils forment l'univers perceptible et se trouvent gouvernés par Brahmâ, le Seigneur de l'Immensité. De même tous les corps subtils ( rayonnement, pensée positive, l'âme ) sont rattachés à l'Etre-Cosmique pour former l'Embryon d'or (Hiranya garbha) dont Vishnu l'Immanent est le gouverneur. Le corps Causal de l'Etre Cosmique appelé Omniscient est lui gouverné par Shiva, le Seigneur du Sommeil.

La Tri-Mûrti  ou Trinité  hindoue

BRAHMâ, VISHNU/SHIVA (une seule personne avec deux faces) et SHAKTI forment une TRIADE : une trinité de trois divinités, (ou tri-mûrti) qui sont les trois éléments fondamentaux de l'Hindouisme comparable à la Trinité chrétienne :

  1. BRAHMA est comparable au Dieu Créateur Originel. Moitié masculin et moitié féminin par la force de l'énergie féminine de vie que lui apporte SHAKTI la déesse de l'énergie qui donne à la fois la force, la vie,l'amour et la lumière indispensable pour animer les deux autres éléments de la Triade : Brahma, et Vishnu/Shiva.

  1. a/ VISHNU, il descend dans notre monde sous la forme de multiples incarnations dans le but de sauver des humains et des âmes justes en difficultés. Sa 2ème fonction : enseigner aux humains le chemin menant au Royaume des Cieux.
  1. b/ SHIVA la seconde figure de Vishnu, il règle le destin des humains et juge leurs âmes. Il peut enlever la vie ou la recycler. En tant que Progéniteur Suprême, son symbole est le LINGUA (Phallus) ou organe de procréation dont Shakti ou Sati son épouse sont le Yoni  (la matrice) indispensable pour vivifier le sperme.

  2. SHAKTI - déesse de l'énergie omniprésente. Elle est aussi la tendance cohésive (Sattva) indispensable pour animer (vivifier) les corps inertes des trois grandes divinités masculines. Sortie de Brahmâ, elle est le substrat de sa pensée, une forme de la Déesse-Mère que vénéraient déjà les hommes de l'Antiquité.

    Son énergie invisible comme celle du vent est rafraîchissante comme un doux zéphyr ou violente comme la tempête qui déchaîne les Océans.

    Comparable à l'Esprit-Saint des chrétiens, elle est légère comme l'envol d'une colombe ou comme une langue de feu, elle réchauffe les coeurs des êtres vivants dans le monde froid et matérialiste.

    Elle est l' étoile qui au milieu de la nuit donne un repère dans le ciel pour montrer le chemin aux voyageurs désireux de s'orienter au milieu de l'immense océan de la vie.

1. V I S H N U  :  L ' I M M A N E N T

Vishnu est dans la religion Hindoue le centre de l'Univers, le symbole de l'union, de l'amour, de la vérité et de la lumière.

Il représente également les forces positives de la matière, les racines de la vie. Il est Celui qui pénètre tout, même nos pensées les plus intimes. Il entoure tout, s'infiltre partout et se répand en se divisant tout en restant entier.

Comme le courant électrique circule grâce à ses deux pôles, Vishnu possède aussi deux faces : sa face positive s'extériorise sous VISHNU sa face négative est symbolisé par SHIVA le principe destructeur. Les hindous considèrent que Brahmâ (l'existence) habite le coeur de l'homme qui est aussi le centre de la vie physique.

Vishnu (la conscience) réside dans le nombril, centre du corps qui a donné la nourriture durant les neuf mois de gestation et SHIVA (l'expérience, jouissance) a sa demeure au milieu du front, dans le centre d'abstraction et dans le sexe.

Recherche de l'Etre de splendeur -  

(Shvetâshvatara Upanishad 4)

Par la volonté de l'Etre de Splendeur se dissolvent les mondes
Par sa puissance un jour ils renaissent,

Il est le soleil, le vent et la Lune
Il est l'Immensité et la semence qui a créé les vivants
Il est ce qui n'a point de commencement,

Le Seigneur Eternel de qui naissent les sphères


Outre les dix noms attribués à Vishnu l'Immanent dans ses DIX " AVATARA-S ou interventions sur la Terre sous d'autres apparences," on a donné à VISHNU plus de mille noms ou attributs :

Etrange, ces noms qui préfigurent les attributs du Messie que les juifs attendaient et que les chrétiens reconnaîtront dans la vie et la pensée de Jésus le Lumineux qui a prononcé les Béatitudes en affirmant qu'il n'était pas venu pour sauver les bien-portants mais pour soulager les malades et tous ceux qui souffrent : ceux-là qui ont vraiment besoin d'un médecin

Les " Avatara-s ou Incarnations " de VISHNU


Un avatara est un aspect du divin qui se manifeste sur la Terre à un moment important de l'Histoire de notre monde pour y établir sous une forme nouvelle une orientation vers la LOI de Perfection qui doit éclairer : la connaissance et la conscience du monde.

VISHNU le Maître Souverain intervient sans arrêt pour guider l'évolution et la destinée du monde, ses descentes ou incarnations sont donc innombrables et peuvent se manifester sous les formes : des voyants, des prophètes ou des guides spirituels de toutes races et des êtres de toutes couleurs de peau et de tous les Continents...

Dieu adapte donc ses révélations : écritures, messages bibliques, prêtres, laïques vertueux ou saints, en fonction des données de chaque cycle présent, il peut intervenir en descendant dans un corps vivant, pour protéger un groupe d'hommes ou même pour un seul être en l'aidant à la réalisation de son être intérieur et extérieur.

Le Livre sacré Varaha-Purâna mentionne dix incarnations (humaines ou sous apparences animales -celles que nous notons avec **) le Bhâgavata Purâna lui mentionne vingt deux matérialisations terrestre :

  1. L'Eternel-adolescent (Kumâra)
  2. Le sanglier (Varâha) **
  3. Le Sage-musicien (Nârada)
  4. Les saints-Savoir (Nara) ou demeure du Savoir (Nârayana)
  5. Le philosophe, le Roux (Kalpila)
  6. Le Magicien (Dattatreya)
  7. Le Sacrifice (Yajna)
  8. Le taureau ou Roi Sage (Rishasbha)
  9. Le Premier-roi ou l'Agriculteur (Prithu)
  10. Le Poisson du déluge (Matsya) **
  11. La Tortue (Kûrma) **
  12. Le Médecin (Dhanvatari)
  13. L'Enchanteresse (Mohini)
  14. L'Homme-lion (Nara-simha) **
  15. Le Nain (Vâmana) **
  16. Rama-à-la-hache le destructeur des guerriers (Parashu-râma) **
  17. L'Ecrivain des Veda-s (Veda-vyâsa)
  18. Le Charmant, incarnation des vertus morales (Râma) **
  19. Râma-le-fort (Bama-Râma)
  20. L'Attirant ou le Sombre (Krishna) incarnation de l'amour **
  21. L'Illuminé (Buddha) incarnation de l'erreur **
  22. L'Accomplissement (Kalki) incarnation futuriste, viendra pour marquer la fin du présent cycle. **

Les " Dix Incarnations de VISHNU " sur Terre   

Les Quatre descentes du PREMIER AGE du monde, ou âge de vérité :

   
1. celle du sanglier (Varâha) ou un des mythes de la Création. Vishnu sous la forme d'un sanglier sort la terre des eaux pour l'étendre sur une fleur de lotus.

2. celle du poisson Matsya qui sauva Manu (Noé) des eaux du déluge et qui restitua à Brahma les textes sacrés volé par le démon à tête de cheval : Hayagriva

3. celle de la tortue Kurma qui vint en aide à Indra pour vaincre les démons Asuras en faisant office de pivot pour permettre aux dieux de baratter l'Océan d'où naquit : l'Amrita (la liqueur de l'immortalité), l'arbre du Paradis, le médecin des dieux, la déesse du vin, les nymphes, le cheval divin, l'éléphant royal...

Dans une autre version on lui attribue également la récupération des objets terrestres noyés par le déluge.

4. celle de l'Homme-lion qui tua Drappé-d'or, roi des mauvais génies qui menaçait la vie de son pieux-enfant Prahlâda. C'est un culte très ancien qui compare le lion roi des animaux à l'homme qui se croit plus fort et meilleur que tous les animaux !

* Les trois descentes de Vishnu sur Terre du " second âge" :


5. La descente du Nain (Vâmana) qui en trois enjambées restitua aux dieux les trois mondes usurpés par Bali, le roi des anti-dieux. Vishnu lui laissa le monde souterrain dont il fit son royaume.

6. La descente de Râma à la hache. Vingt et une fois le héros à la hache décima les castes princières qui se révoltaient contre l'autorité des Brâhmanes et distribua les terres aux prêtres.

7. La descente de Râma le charmant, incarnant la Perfection et le devoir. C'est l'aspect solaire de Vishnu qui exige de chacun la réalisation de la Loi Cosmique et la recherche de la Perfection.

Râma était durant le second âge du monde : roi d'Ayodyhâ. Son royaume aurait pu continuer à vivre dans la paix, le bonheur et la prospérité si un jour le démon Râvana n'avait enlevé son épouse la reine Sîtâ pour la sequestrer au royaume de Ceylan.

Râma veut dire charmant, brillant, allégoriquement Râma représente l'Univers (mobile et immobile) ou la vie contenue dans la semence verbale de la syllabe universelle AUM.

Râma et son frère Lakshmana parvinrent à délivrer SITA grâce à l'assistance d'une horde de singes dirigée par Hanumân. L'ex-ange démon Ravana fut tué et délivré de son mauvais sort.

Mais avant de mourir Ravana déclara que Sita aurait cédé à ses désirs durant sa captivité, Sita eut beau jurer qu'elle était restée fidèle (dharma) durant toute cette période à son époux, Râma exigea de Sita (étymologiquement le sillon) qu'elle prouve son innocence en comparaissant devant la déesse Terre-Mère, qui non seulement innocenta Sita, mais l'engloutit en son sein ! Râma qui ne pouvait vivre sans son épouse se jeta dans un fleuve et s'y noya afin de la rejoindre dans l'éternité.


8. La descente de KRISHNA, la plus célèbre incarnation de VISHNU

Le mot Krish veut dire attirant, ou incarnation de l'amour. Krishna est celui qui détruit le mal, l'inspirateur des formes du savoir (représentées par les filles du bouvier qui sont en réalité d'anciens moines-ermites réincarnés).

Selon la légende Vishnu sous les traits de Râma-le-Charmant entra un jour dans la forêt profonde pour protéger les vieux sages et ermites qui par leur ascèse faisaient la guerre aux démons.

Les vieux sages furent tellement séduits par le rayonnement et l'attirante beauté du jeune dieu qu'ils lui demandèrent d'être réincarnés avec lui en jeunes filles de bouviers lors de sa prochaine incarnation en Krishna qui deviendra alors le séduisant prince guerrier, l'homme au visage couleur bleu-turquoise.

Est-ce une coïncidence mais les dieux Amon et Osiris d'Egypte ont également été peints en bleu sur des murs du temple d'Abydos : tous trois ont pratiquement la même couleur de corps. Certains commentateurs nous ont expliqué que cette couleur est volontairement choisie pour symboliser le ciel bleu et sans nuage d'où viennent ces grandes divinités.

Même si le Bouddhisme est en quelque sorte une religion pour soi, les brahmanes hindous ont développé le culte de Krishna pour minimiser la très grande popularité de Bouddha qui commençait à faire beaucoup d'adeptes en détournant ceux de Vishnu. Les brahmanes acceptèrent donc d'intégrer BOUDDHA à l'Hindouisme sous forme d'une incarnation de Vishnu plutôt que de prendre le risque de le rejeter comme un adversaire.

La vie résumée de Krishna et de son frère Bala-Râma

Krishna est né au début du quatrième âge celui " des conflits ! " Comme le devin Nârada avait annoncé au cruel ROI KAMSA qu'il serait un jour tué par son neveu, le méchant roi mit sa soeur Devakî en captivité afin de pouvoir tuer tous ses enfants dès leur naissance.

Les six premiers petits innocents furent mis à mort. Le septième Balâ-râma put échapper au massacre ainsi que Krishna le huitième enfant qui fut échangé en secret contre la fille d'un bouvier. On ne peut s'empêcher de faire un parallèle avec le massacre des petits hébreux en Egypte et des Saints Innocents qu'une légende attribue au cruel Hérode le Grand.

Krishna fut donc élevé parmi les bouviers, il jouait de la flûte et son charme séduisit toutes les filles du village. Lorsqu'il eut tué Kamsa, il devint le maître du royaume et fit la guerre aux Pandava-s : Les cinq frères qu'il avait déjà rencontrés lors d'une précédente incarnation de Vishnu sous l'apparence de Râma-à-la-hache.

Krishna l'Etre Suprême et Absolu qui réside dans le septième ciel (celui du taureau) ne pouvait avoir de plaisir dans la solitude, il se manifesta sous une double lumière : noire et blanche.

Krishna tomba amoureux de Râdhâ la charmante fille de son père adoptif qui devint la lumière blanche céleste fécondée par Krishna. Avec cette lumière blanche céleste Krishna créa la nature fondamentale, l'embryon d'or et l'intellectuel universel ou ce qu'on appelle communément : la conscience de Krishna.

Quant à son frère Bala-Râma il fut transféré du ventre de Devakî dans celui de Rohinî pour échapper au massacre du curel Kamsa. Il fut donc élevé avec son frère Krishna par les bouviers comme un fils de Rohinî (Bhagavata 10,2).

Il est représenté vêtu de bleu et la peau blanche, tandis que Krishna a la peau sombre bleutée. Le premier exploit de Bala-Râma fut de tuer très jeune, deux anti-dieux dont un dénommé Dhenuka.

Lorsque Sâmba le fils de Krishna fut capturé et emprisonné par Duryodhana, Bala-Râma le libéra en accrochant à sa charrue les remparts de la ville pour faire écrouler les murs et libérer Sâmba.

La femme de Bala-Râma était la princesse Revâti, elle lui donna deux fils Nishatha et Ulmuka (Kûrma Purâna). Après bien des exploits, il mourut quelques jours avant Krishna alors qu'il était assis sous un banyan près de Dvârakâ.

La spiritualité de Krishna (selon le Bhâgavata Purâna)

  On distingue trois sortes de bhgatas (dévôts ):

  1. Ceux qui vont au temple mais qui ne comprennent pas vraiment la science de Dieu et lorsqu'ils sont à peine sortis reprennent leurs attitudes matérialistes
  2. Ceux qui ont développés une sincère attitude au service du Seigneur et qui réservent leur amitié aux seuls bhgatas engagés sur la même voie qu'eux.
  3. Enfin ceux qui voient le Seigneur en toutes choses et saisissent la relation qui existe entre le Seigneur et toutes choses

" Quiconque prend refuge en Moi par une dévotion intense pure et sans mélange, fut-il un ennemi ou une femme prostituée, ou un homme né d'une famille d'incroyants, peut atteindre la perfection de l' existence." (Bhagavad-gitâ, paroles du Seigneur) " Ceux qui vouent leur culte aux deva-s (dieux) naîtront parmi les deva-s, ceux qui vouent leur culte aux ancêtres renaîtront parmi les ancêtres, ceux qui sont mes dévôts, vivront auprès de Moi et dans mes sphères.

Ceux qui vivent dans le péché revivront dans le monde  animal où ils souffriront de plus en plus des affres de l'existence matérielle " (Bhagavad-gitâ)

" Le désir du Seigneur est de voir toutes les âmes conditionnées qui errent dans la création matérielle retrouver leur place auprès de Lui, retourner en leur demeure originelle.

" Chaque fois qu'en quelque endroit de l'Univers, la spiritualité voit un déclin et que s'élève l'irréligion, ô descendant de Bharata, Je descend en Personne " (Bhagavad-gitâ IV,7)

" J'apparais d'âge en âge afin : de délivrer mes dévôts, d'anéantir les mécréants, de rétablir les principes de la spiritualité. "

" Si je m'abstenais d'agir, TOUS LES UNIVERS sombreraient dans la désolation et l'homme engendrerait une progéniture indésirable qui troublerait la paix de tous les êtres. " (Bhagavad-gitâ III, 24)

" Alors quoique fasse un grand homme, la masse des gens marche toujours sur ses traces, le monde entier suit la norme qu'il établit par son exemple " (Bhagavad-gitâ III 21)

( déclarations de Sri-Krishna dans le Srimad Bhâgavatam )

La 9ème incarnation de Vishnu : Buddha, l'Illuminé

Krishna, Bouddha et Kalki constituent le 4è âge dit des conflits. La version de la descente de Vishnu sous la forme de Buddha est un peu différente de la conception Bouddhique puisque le fondateur incarne la Puissance d'Illusion (Mâyâ) et d'erreur de Vishnu (!)

Les Brahmanes hindous reprochent au Bouddhisme un excès des valeurs morales qui attache trop d'importance à l'individualisme humain au détriment de la recherche du savoir et de la participation à la nature Cosmique. Par des sentiments exagérés de non violence l'homme perd en quelque sorte son contrôle sur la technologie moderne et envahissante qui l'amène directement à l'âge des destructions et à la ruine d'une grande partie de l'humanité. Or lorsqu'on a compris la vanité de la vie terrestre une renaissance continuelle apparaît comme une perpétuelle mise à l'épreuve tandis qu'au contraire la décorporation est un retour aux origines du monde spirituel.

Dixième Avatar de Vishnu : KALKI, l'accomplissement

" Chaque fois que des rois ou dirigeants sombrent au plus bas de l' existence matérielle jusqu'à vivre comme des animaux, le Seigneur apparaît dans sa Forme spirituelle. Il montre sa puissance suprême. Il rétablit la vérité, trace la voie juste, accorde sa Grâce toute particulière aux croyants et accomplit des actes glorieux. Il se manifeste ainsi sous diverses formes sublimes selon les besoins du temps en différents âges. " ... (Bhâgavata Purâna 25)

" Au crépuscule de l'âge présent, lorsque les rois seront devenus des voleurs (!) le Seigneur-de-l'Univers naîtra d'un renom de Vishnu (Vishnu Yashas) et sera nommé Kalki.

Il apparaîtra monté sur un cheval blanc et tenant une épée dans la main, il traversera le ciel comme une comète. Il rétablira l'âge d'or, punira les méchants et réconfortera les justes, puis il détruira le monde. "

Plus tard sur les ruines de cette terre apparaîtra : " une nouvelle humanité "... Prophétie non réalisée mais qui apparaît comme une épée au-dessus de nos têtes! L'Avatara-s de Vishnu sous la forme d'une COMETE ou d'un astéroïde est-il à prendre au sens propre ou au sens figuré ?...

On retrouve également cette prophétie dans les écrits de plusieurs saints qui avaient ce don de pouvoir voyager en esprit dans le temps ! D'ailleurs cette prophétie qui définit clairement un jugement de notre humanité se retrouve également dans les huit autres PURANA-S :

Kalki, Mahâbhârata, Brahma, Agni, Vayû, Lingua, Varâha et Bhavishya)

Les AVATARS de VISHNU et les entités composites égyptiennes


L'Egypte possèdait dans l'antiquité ses entités divines composites mi-humaines et mi-animales. Lorsqu'on examine le Livre des Morts
égyptien on voit justement ces entités aux côtés de corps humains qui attendent leur jugement. de l'âme. Question : les égyptiens croyaient-ils (comme les hindous) que des âmes qui se sont mal conduites dans une vie précédente sur terre pouvaient, après avoir expié leur faute, se représenter à leur mort au jugement des âmes d'Osiris pour mériter enfin la vie éternelle ? Ci-dessous les références de deux anciens livres de l'Inde qui montrent  les  Avatars ou autres incarnations du Grand Dieu Vishnu sur Terre, sous diverses formes animales :

BHAGAVATA

VARAHA - PûRANA

Avatar 02 : sanglier

Avatar  01 : sanglier

    Avatar 08 : taureau.......

... en Inde la vache est un animal sacré 

 Avatar 10 : poisson (déluge)

 Avatar 02 : poisson du déluge 

Avatar 11 : tortue  

Avatar  03 : tortue

Avatar 14 : l'homme lion

Avatar 04 : l'homme lion


Shiva


Ce que l’on est convenu d’appeler hindouisme, quand on veut se référer à l’ensemble des croyances religieuses indiennes à l’époque classique, met au premier plan trois figures divines, Brahma, Visnu, Siva. Une vue simple attribue trois fonctions précises à ces trois dieux, respectivement la création, la conservation et la destruction de l’univers. L’hindouisme accepte communément cette trinité sans établir de hiérarchie entre ces trois membres. Cependant l’on sait que l’hindou a coutume de choisir lui-même une figure divine particulière comme objet de son culte personnel. Aussi appelle-t-on souvent shivaïte l’individu qui, tout en respectant la conception trinitaire de la mythologie, donne la primauté à Siva dans son rituel et sa dévotion personnels. Cette position n’est jamais exclusive et l’on ne saurait parler de secte shivaïte à propos de ceux qui la défendent. Cette attitude trouve sa justification dans le fait que les figures de créateur, conservateur et destructeur présentées par la mythologie ne sont que des figures personnalisées de l’être abstrait, principe de tout, auquel se réfère le terme «brahman». La croyance fondamentale est en le brahman, Dieu unique, au-delà de toutes les propriétés que l’imagination humaine, incapable de le concevoir, lui attribue faussement. Or le culte matériel requiert un objet sur lequel l’esprit ordinaire puisse se fixer, donc une image concrète, une image sensible, telles celles qui sont données par la mythologie. Le dévot choisira d’honorer Dieu sous la forme qu’il a dans tel mythe qui lui est cher. C’est ainsi que l’iconographie de Siva est en correspondance exacte avec sa mythologie.

On peut juger de l’importance de cette forme divine par l’abondance des temples qui lui sont dédiés, à elle ou aux figures de son entourage, la déesse, son épouse, Parvati ou Kali, les dieux jeunes, ses enfants, Ganesa, Subrahmanya, etc. À côté de ce shivaïsme non sectaire qui ne se distingue pas de l’hindouisme, il existe ou a existé des mouvements extrémistes qui ont érigé en doctrine la supériorité de Siva, ont pris l’habitude d’appeler «Siva» le principe suprême abstrait, ont fait de Siva un dieu unique transcendant, les autres dieux formant autour de lui une cour d’anges ou d’archanges. Dans quelques cas, il a pu y avoir suffisamment d’organisation, d’originalité de doctrine, de souci de réformisme pour que l’on puisse considérer le groupe comme un élément bien distinct à l’intérieur de l’hindouisme. Ces groupes particuliers sont certes aujourd’hui très réduits en nombre (on ne sait pas non plus d’ailleurs évaluer leur importance numérique dans le passé), mais on ne saurait sous-estimer leur influence, le rôle qu’ils ont joué dans la formation et l’évolution de l’hindouisme. Ce sont eux que l’on doit considérer comme étant à l’origine de tout le rituel, de toute l’hymnologie de dévotion (sanskrite ou dans les langues régionales). Ce sont eux qui ont imposé l’image bienveillante de Siva, dispensateur de la grâce, à côté de l’image terrible du destructeur.
1. Mythologie et iconographie

Les origines de la conception du dieu Siva, de sa mythologie, des doctrines et du rituel sivaïtes sont mal connues. Le mot siva n’est pas employé comme nom propre dans les textes indiens les plus anciens, qui sont les collections d’hymnes védiques; il y est un adjectif signifiant «propice». C’est seulement avec les derniers textes de la littérature védique que Siva apparaît comme figure divine, comme autre nom du grand dieu védique Rudra, figure terrible avec, par ambivalence, un rôle de secoureur, de guérisseur magique, de «médecin des médecins». Il y a donc une indéniable continuité Rudra-Siva. Mais il n’en reste pas moins que la figure classique déborde très largement la figure védique, au point que la connexion ancienne puisse être oubliée, voire niée, comme cela s’est produit dans certains textes sectaires qui rejettent toute inspiration et toute autorité védiques dans les doctrines et rituels qu’ils exposent. Si des groupes sivaïtes ont manifesté une opposition plus ou moins ferme à la norme védique, des milieux védiques comprenant aussi d’autres milieux sivaïtes se sont opposés à des sectes sivaïtes extrémistes, sectes qui ne sont guère attestées dans la littérature que par les diatribes dirigées contre leurs rites rudimentaires, sanglants ou licencieux: elles admettaient le sacrifice animal ou humain et une mythologie de Siva, être violent et terrifiant qui hante les cimetières.

Shiva est supposé être le Dieux de la paix. Mais Shiva est aussi considéré comme le dieux de la destruction. Lorsqu'il ouvre son 3ème œil monde, son nom change. A ce moment il est nommé Shankara. Mais Shiva est aussi le dieux de l'innocence et il est très aisé de lui être agrèable. Son Mantra est très bref, mais s'il est très court, il est le plus grand, sur le plan de son importance. Il purifie le coeur très rapidement, il calme le mental très rapidement aussi. Il détruit le désir très vite. Il donne la sagesse en très peu de temps. Très vite aussi, il apporte la joie et la félicité. Il brûle aussi très rapidement les mauvais Karma. Il donne en très peu de temps la vitalité, le courrage et la compassion = Om Namah Sivaya

Shiva signifie aussi la paix, parmis la Trinité Sacré Brahma, Vishnu et Mahesa (Shiva), il est tenu pour le plus puissant et le plus savant des Dieux. Il est innocent, mais si coléreux aussi qu'il s'enlamme spontanément. Les gens qui souhaitent la paix pour eux-même et leurs enfants devront méditer le Mantra ci-dessus. Selon certains sages de l'Inde ancienne, la definition d'une vie parfaitement accomplie, est qu'elle doit être pleine de vérité, de bonté et de beauté. En Sanskrit les termes pour cette sainteté sont = Satyam, Sivam et Sundaram.

Parmis cette trinité, le bien vient en 1er. Si une chose n'est pas bonne, elle ne sera pas belle. Et si elle n'est pas ni belle, ni bonne, comment pourra-t-elle nous conduire vers la vérité ? Ainsi donc, le Shiva Mantra vous conduira au but suprème de la vie. Il ofre le meilleur de toutes choses. Lorsqu'on le répète avec attitude juste, il s'effectue des modifications biochimiques dans l'organisme. Lentement le moi intérieur s'ilumine de lumière divine. En peu de jours celui qui le pratique est prêt à recevoir des visions. Mais ces visions ne doivent pas vraiment être prise très au sérieux. Quand le Mantra prend sa puissance, automatiquement l'adepte l'absorbe. Le Siva Mantra guide le pratiquant vers un point bleu qui est l'ultime stade de la concience humaine.

Au delà règne cette éternelle félicité, dans une perpetuelle harmonie. Pour les Shivaïstes aux Indes, ce point bleu, ou Nil Vindu est le synonyme de la puissance endormie.
Dans la créations des Mantra, une autre légende raconte lorsque le Seigneur  Shiva ouvrit son 3ème oeil et joua du tabor, ildansa la dernière danse de la destruction, et quelques aphorisme furent appellés ensuite Mantras.

Le linga
La représentation la plus commune de Siva est une pierre de forme cylindrique, émergeant d’un disque légèrement évidé en forme de bassin pourvu d’un versoir, et reposant sur un socle rond ou quadrangulaire. Une première interprétation consiste à voir dans cette pierre, appelée linga , une représentation phallique; le disque médian, appelé yoni , représenterait le sexe féminin. Cette interprétation phallique est attestée dans la littérature, par exemple dans la légende où le linga tombe du corps du dieu, par l’effet d’une malédiction qu’avaient lancée contre lui les sages de la forêt de Daruka, quand Siva, déguisé en bel et jeune ascète nu, y était venu affoler d’amour leurs épouses - les représentations de Siva en ascète nu accompagné d’une gazelle (Bhiksatanamurti) sont célèbres. À cela s’adjoint une symbolique selon laquelle le linga représente le purusa , principe spirituel masculin, la yoni, la prakrti , principe matériel féminin, principes dont l’union réalise la création du monde phénoménal. Les trois parties du linga sont aussi censées représenter: la partie supérieure, Siva, la partie médiane avec la yoni, Visnu, sous la forme féminine de Mohini, la partie inférieure avec le socle, Brahma. Mais une autre interprétation, de loin la plus communément admise, prend le terme de linga en son sens premier de «signe» (comme yoni est à l’origine le «lieu», le «chemin» de l’oblation), et voit dans cette figuration un simple signe matériel de la présence du dieu, un objet, de la forme la plus simple qui soit, qui offre un support à la pensée du dévot se concentrant sur l’absolu.
Les formes du linga peuvent varier beaucoup dans le détail, depuis le simple galet de forme à peu près cylindrique (par exemple, les banalinga trouvés dans le lit d’une rivière) jusqu’à la pierre sculptée avec mille facettes (sahasralinga ) ou portant en léger relief plusieurs figures humaines (mukhalinga ). Le linga du sanctuaire d’un temple est en pierre. Mais il y a aussi, pour des cultes secondaires ou personnels, des linga exceptionnels, faits respectivement des cinq éléments, terre, eau, feu, vent, espace. Quant au disque médian (yoni), sa forme indique qu’il sert à recueillir et écouler les eaux, l’huile, le lait, etc., avec lesquels le linga est aspergé durant le culte. Il est notable que des représentations personnifiées de Siva sont très rarement placées dans les sanctuaires consacrés à ce dieu: c’est le linga qu’on y voit le plus fréquemment. Le temple type de Siva, en effet, ouvert du côté de l’orient, enferme dans son sanctuaire un linga, le versoir de la yoni étant dirigé vers le nord, et ne laisse de place aux images humaines de Siva que sur ses murs extérieurs. Parmi ces dernières, dans le sud de l’Inde, on voit généralement, sur le mur ouest, une représentation de Siva debout inscrite à l’intérieur d’une colonne. Cette colonne est un linga et la scène représente une légende célèbre de l’origine du linga. Les deux grands dieux, Visnu et Brahma, prétendaient à la prééminence. Siva prit la forme d’une immense colonne de feu. Brahma sous la forme d’un oiseau hamsa , Visnu sous la forme d’un sanglier tentèrent d’atteindre respectivement le haut et le bas de la colonne. Ils durent avouer leur échec et reconnaître la supériorité de Siva. Siva apparut alors à l’intérieur de la colonne, et les deux dieux se mirent à l’adorer.

Les représentations humaines (murti) de Siva
Cette représentation de Siva à l’intérieur du linga est une des premières murti (représentation matérielle) du dieu avec un corps humain. Les textes codifient ces représentations et en comptent de vingt-six à soixante-quatre.

Le dieu souverain
La forme sous laquelle Siva est apparu à l’intérieur du linga est généralement Candrasekharamurti (forme du dieu ayant pour diadème le croissant de lune), où l’on voit le dieu debout avec quatre bras: l’un tient une gazelle, un autre une hache, les deux derniers font le geste d’apaiser la crainte et celui du don. Cette représentation se retrouve aussi, très fréquemment, seule, ou accolée à l’image de la parèdre du dieu, Uma. Dans une autre murti, Alinganamurti (forme de l’embrassement), le dieu a le même aspect et les mêmes insignes, mais le bras qui faisait le geste du don est posé sur la hanche de la déesse. L’union avec la déesse, symbolisant l’union du dieu suprême avec son énergie (sakti ), l’union du principe masculin et du principe féminin, du sens et du son de la parole, est représentée par la figure hermaphrodite, Ardhanarisvaramurti: la moitié gauche est la déesse, la moitié droite le dieu. Il existe des représentations du dieu assis, avec quatre bras et les mêmes insignes, tantôt seul (Sukhasanamurti), tantôt accompagné de la déesse assise à sa gauche (Umamahesvaramurti), ou encore avec, entre eux deux, une image de leur fils Skanda (Somaskandamurti). Le dieu debout s’appuyant d’un bras sur le dos de sa monture, le taureau Nandin, ou bien assis avec la déesse sur le taureau, est appelé Vrsabhavahanamurti. Ces diverses formes sont celles du dieu sous son aspect de seigneur souverain offert dans son rayonnement et sa sereine majesté à l’admiration des fidèles.
Hauts faits et miracles

Un autre groupe de représentations est destiné à susciter une autre sorte d’admiration: celle qui naît des hauts faits et miracles dont la mythologie de Siva est remplie. Le dieu n’a plus alors l’aspect serein du souverain, mais l’apparence terrible du punisseur des forces du mal. La représentation Kamantakamurti évoque la mise à mort par Siva du dieu Amour. L’épouse de Siva fut d’abord, sous le nom de Sati, fille de Daksa. Son père ayant omis d’honorer Siva dans un grand sacrifice, Sati ne put supporter la honte de voir son époux humilié et se donna la mort en se jetant dans le feu du sacrifice. Siva devait se venger, sous la forme Virabhadramurti, en détruisant le sacrifice et en malmenant tous ses participants. Sati eut ensuite une seconde naissance, comme fille de l’Himalaya, sous le nom de Parvati ou Uma, et désira épouser Siva de nouveau. Mais celui-ci s’était livré à la pratique de l’ascèse. Le dieu Amour, pour seconder Parvati, tenta d’aller le distraire de ses pénitences, mais fut réduit en cendres par le feu du regard irrité du troisième œil que Siva porte sur le front. Parvati obtiendra, par la suite, de devenir épouse de Siva, en pratiquant elle-même l’ascèse la plus dure. Son mariage, où Visnu est l’officiant, est le thème de nombreuses images (Kalyanasundaramurti). D’autres murti montrent Siva déchirant un éléphant en lequel s’était incarné un démon (Gajasamharamurti), ou sortant du linga pour frapper du pied la Mort qui voulait emporter un de ses dévots, Markandeya (Kalarimurti), ou monté sur un char auquel les veda se sont attelés sous forme de chevaux que Brahma conduit, avec pour arc le mont Meru, pour flèche le dieu Visnu, afin de détruire trois forteresses tenues par des démons (Tripurantakamurti), ou encore prenant la forme d’un animal fabuleux, le sarabha , mi-oiseau mi-homme, à tête et à pattes de lion, pour mettre à mort l’homme-lion (Narasimha), forme que Visnu avait prise pour tuer le démon Hiranyakasipu (Sarabhesamurti), ou mettant à mort les démons Andhaka et Jalamdhara (Andhakasuramurti, Jalamdharaharamurti). Une autre forme terrible de Siva, et particulièrement importante par sa fréquence dans la sculpture, est Bhairavamurti: Brahma aurait insulté Siva, en l’appelant avec mépris kapalin , ou, dans une autre version qui se rattache à la légende de l’origine du linga, aurait refusé de reconnaître la supériorité de Siva et aurait mensongèrement prétendu avoir atteint le sommet de la colonne. Pour le punir de l’insulte ou du mensonge, Siva coupa une de ses cinq têtes. Mais le dieu se trouva alors chargé du plus grand des péchés, le meurtre d’un brahmane. Pour l’expier, il dut faire vœu de douze ans de mendicité errante, afin de gagner le lieu saint de Kasi où il se purifierait. D’où la représentation du dieu nu, d’aspect horrible, tenant à la main un crâne, orné d’ossements et suivi d’un chien, ce qui est l’aspect conventionnel du pénitent.
La compassion et la grâce

Un autre groupe de murti de Siva illustre la compassion du dieu et la grâce qu’il accorde aux meilleurs de ses dévots. Un jeune vacher utilisait le lait des vaches qu’on lui donnait à garder, pour, dans son extrême dévotion, faire des aspersions rituelles de lait sur des linga qu’il façonnait lui-même avec du sable. Cela ne faisait que susciter la colère chez son père qui, un jour, voulut détruire d’un coup de pied un linga de sable que son fils était en train d’honorer ainsi. L’enfant alla jusqu’à asséner un coup de hache sur le pied de son père. Siva apparut alors et pour le récompenser lui donna, sous le nom de Candesa, le poste de gardien de sa maison. Chaque temple de Siva comporte un sanctuaire secondaire, situé au nord du principal et consacré à Candesa. Autre murti de Siva, celle où l’on voit le dieu assis à côté d’Uma, enroulant une guirlande de fleurs autour de la tête du jeune dévot (Candesanugrahamurti).

On voit encore Siva accordant sa grâce à Visnu qui, désireux d’obtenir l’arme en forme de disque (cakra ) qui lui servirait à vaincre les démons, entreprit le culte du linga et, ayant besoin d’un lotus pour achever son rite, offrit à la place de la fleur un de ses yeux (Visnvanugrahamurti). Une autre légende met en scène le héros Arjuna, qui pratiquait l’ascèse pour obtenir de Siva une arme merveilleuse, le pasupatastra . Siva voulut éprouver sa force et, déguisé en chasseur (kirata ), lança une flèche, en même temps qu’Arjuna, sur un démon qui avait pris la forme d’un sanglier. Le héros et le dieu revendiquèrent chacun la propriété de la proie. Un combat s’ensuivit. Arjuna fut vaincu par le dieu. Mais ce dernier avait cependant apprécié son ardeur dans la lutte et lui donna l’arme désirée (Kiratarjunamurti ). Enfin la Ravananugrahamurti montre Siva pardonnant à l’irascible démon Ravana d’avoir voulu soulever le mont Kailasa où il demeurait avec Parvati.
Siva et la danse

Une des images les plus célèbres de Siva est celle du Nataraja («roi des danseurs»). Siva est décrit avec prédilection comme l’acteur d’une danse violente (tandava ) exécutée sur les terrains de crémation, au milieu de rondes de diables, les gana , figures grotesques qui forment son entourage constant. Cette danse est censée représenter la destruction à laquelle le monde est soumis périodiquement. On y voit aussi l’image des âmes qui se libèrent de l’illusion (maya ) ou, le dieu piétinant dans sa danse un démon appelé Apasmarapurusa («génie de l’oubli»), le triomphe de la connaissance sur l’ignorance, etc. Enfin le dieu s’accompagne lui-même d’un petit tambour et les sons produits sont les divers phonèmes du sanskrit qui symbolisent les principes du monde: l’ordre dans lequel ils sont émis est celui de la création de ces principes et celui de l’alphabet, clef de la grammaire de Panini. Cette danse est censée avoir lieu dans le temple de Cidambaram dans le sud de l’Inde. Les textes en décrivent jusqu’à cent huit modes.
Presque tous les temples sivaïtes de l’Inde méridionale présentent sur leur mur sud une image de Siva assis sous un banyan, une jambe pendante, écrasant le démon Apasmarapurusa: il tient un livre dans une main et fait le geste de l’enseignement de l’autre, avec souvent quatre disciples à ses pieds. C’est la forme appelée Daksinamurti, sous laquelle il transmet la connaissance, par l’intermédiaire de sages, aux hommes. Des variantes le montrent maître du yoga, de la doctrine sivaïte (la portion jñana des agama sivaïtes), de la musique - il est alors appelé Vinadharadaksinamurti et tient un luth (vina ) dans ses mains.

Le temple type de Siva

Dans le temple type de Siva qui abrite un linga dans son sanctuaire principal, on voit généralement sur les murs extérieurs les images de Bhairava et Daksinamurti au sud, Lingodbhavamurti ou Ardhanarisvaramurti à l’ouest, Bhiksatanamurti au nord. Les êtres qui forment la cour du dieu sont: sa monture, le taureau Nandin, représenté couché devant le temple, tourné vers le sanctuaire; deux gardiens armés d’une massue et postés de chaque côté de la porte; puis le fils de Siva, Ganesa, le dieu à corps d’enfant et à tête d’éléphant, représenté dansant sur le mur sud; Brahma et la déesse debout sur la tête d’un démon-buffle qu’elle a terrassé (Mahisasuramardani) représentés sur le mur nord. Un sanctuaire secondaire est réservé à l’image en bronze de Siva dansant, sanctuaire situé dans l’édifice principal même, dans la partie nord-est. À l’extérieur de ce bâtiment, des édifices secondaires renferment des sanctuaires consacrés à Ganesa (au sud-est de l’édifice principal), à Subrahmanya, autre fils de Siva, entouré de ses deux parèdres, Valli et Devasena (au sud-ouest), et à la déesse (au nord-ouest). Les autres murti de Siva apparaissent le plus souvent sur les colonnes des salles secondaires ou des galeries.

2. Doctrines shivaïtes
Si Siva est une figure qui appartient au panthéon des sectes les plus diverses, si, dans la mythologie des écoles non sectaires ou syncrétistes il est membre d’une triade où il figure, en qualité d’agent de la destruction périodique des mondes, à côté de Brahma créateur et de Visnu mainteneur de l’univers, il a été aussi élevé au rang de dieu unique, principe absolu, au-dessus du monde; ses diverses figures décrites dans les textes mythologiques ou représentées dans la sculpture deviennent alors des personnifications accidentelles et témoignent de ses interventions de justicier ou de protecteur compatissant dans le monde.
Les doctrines shivaïtes, fondées sur le dogme de cette transcendance, sont nombreuses et se différencient principalement dans leur conception de la relation entre Siva transcendant et le monde phénoménal. L’histoire révèle quelques écoles disparues aujourd’hui, telles que celles des Kapalika et Lakulisa qui se signalent par leur ascétisme rigoureux, leur discipline de renoncement et d’imitation de la figure de Siva sous son aspect d’ascète, celle des Pasupata qui a été très florissante au Karnataka entre le Xe et le XIIIe siècle, qui possédait une bonne organisation en monastères ou centres d’activité culturelle, intellectuelle et d’enseignement, qui a enfin inspiré le style très raffiné des nombreux temples édifiés alors dans la partie nord de cette région. Les écoles, dont l’histoire se poursuit encore de nos jours, sont le saivasiddhanta dont les sources sont sanskrites, son homonyme dont les sources sont tamoules, l’école du Kasmir, celle des Virasaiva. Leur rayonnement s’est étendu à la religion et à la pensée indiennes dans leur ensemble. Le Vedanta tardif s’explique notamment par leur influence. Sous celle du saivasiddhanta, Srikantha (XIVe s.) et Appayya Diksita (XVIe s.) ont fait une véritable synthèse, appelée sivadvaita , de la pensée upanisadique non dualiste et du shivaïsme.
Le saivasiddhanta sanskrit

Cette dénomination (littéralement «conclusions relatives à Siva») peut être rapportée à un ensemble de doctrines, très bien systématisé, qui se fonde sur vingt-huit textes, les agama shivaïtes, et qui a été exposé par des docteurs shivaïtes dont les plus importants sont Sadyojyoti, Ramakantha, Srikantha, Narayanakantha, Aghorasivacarya, Umapatisivacarya. L’origine géographique de ce groupe de vingt-huit agama shivaïtes est difficile à préciser. On pense généralement que ces textes sont du sud de l’Inde, sans qu’il y ait d’arguments très sûrs pour étayer cette thèse. Quant aux docteurs shivaïtes qui s’échelonnent approximativement entre le Xe et le XIVe siècle, leur action s’exerça dans diverses régions de l’Inde, du Kasmir (la famille des Kantha) au Tamilnad (Aghorasivacarya, Umapatisivacarya).
Ce saivasiddhanta sanskrit s’oppose à l’effort moniste de son homonyme tamoul et des autres écoles pour unifier toutes choses en Siva, et considère comme réalité absolue la différence, la dualité (dvaita ) de Siva, pure pensée, et de la matière première d’où sort le monde phénoménal, dualité de Siva, soi suprême, et des âmes individuelles, même quand elles sont libérées de ce qui les lie aux objets du monde. Une autre notion ordonne toutes les vues sur le monde et sur sa marche: c’est la grâce, ou la pitié, qualité essentielle de Siva. Siva agit, crée, détruit, etc., toujours par sa grâce. Les choses du monde sont ce qu’elles sont, la marche du monde est ce qu’elle est, parce qu’elles sont l’objet de la grâce divine. L’épuisement des conséquences des actes est nécessaire pour l’obtention de la grâce. Le monde est donc présenté comme le moyen de mener à bonne fin cet épuisement, cette consommation des actes (bhoga ).

Les trois catégories, le pur et l’impur
Le saivasiddhanta classe les choses en trois catégories: pati , «maître», pasu , «bétail» (c’est-à-dire les âmes individuelles gouvernées par le maître), pasa , «lien», qui attache les âmes individuelles aux objets du monde. Il les répartit aussi entre deux domaines: le pur et l’impur.

La catégorie pati comprend: Siva; un ensemble d’êtres transcendants, vidyesvara , mantra , etc., qui sont des délégués de Siva dans l’activité de création, dans l’octroi de la grâce, etc., et qui demeurent dans le domaine du pur; enfin, les âmes délivrées qui ne diffèrent de Siva que parce que leur condition a un commencement, le moment de leur délivrance, tandis que la condition de Siva est sans commencement.
La catégorie pasu comprend les âmes individuelles ou «soi» (atman ), éternelles mais liées au monde. Elles sont elles-mêmes réparties entre trois classes suivant leur degré d’avancement sur le chemin de la délivrance. La première, la plus basse, est celle des soi dits sakala , «unis à la kala », état du soi lié de trois manières: par la souillure (mala ), attachée à lui depuis toujours, par la matière première du monde (maya ), attachée à lui lors de chacune des créations périodiques, par l’ensemble des actes (karman ) qui, par les traces qu’ils laissent dans le psychisme, déterminent les naissances successives, ensemble dont l’attache au soi est considérée comme sans commencement. La deuxième classe est celle des pralayakala , état du soi «libéré de la kala lors d’une dissolution du monde»; le soi, alors lié au karman et au mala, est libéré de la seule maya, et renaît, c’est-à-dire est de nouveau lié à la maya lors de la création qui suit, à moins que son karman et son mala ne soient «mûrs», près de disparaître, et que Siva par sa grâce ne leur donne place parmi les mantresa , êtres du domaine pur. La dernière classe est celle des vijnanakala , «soi libéré de la kala par la connaissance», c’est-à-dire le soi qui a épuisé son karman par la consommation (bhoga ) ou par son effort de connaissance, sa pratique religieuse, le yoga, etc. Lors d’une dissolution du monde, le lien avec la maya est automatiquement défait et le soi n’est plus lié que par le mala. On distingue alors deux cas. Ou bien la souillure (mala) est «mûre», le soi est donc tout près d’être totalement délivré et Siva lui donne, par sa grâce, le poste de vidyesvara dans le domaine pur, condition voisine de celle de «soi libéré», mais qui comporte encore une activité, l’exécution des œuvres que Siva lui délègue. Ou bien la souillure n’est pas «mûre» et Siva donne un poste inférieur dans le domaine pur, parmi les soixante-dix millions de mantra.

La catégorie pasa comprend cinq termes: mala, karman, maya, rodhasakti , bindu (ou mahamaya ). Le mala est la souillure attachée sans commencement au soi individuel. Le soi suprême, Siva, ou le soi pur, celui qui est libéré, tenu pour parfaitement semblable à Siva, sont conçus comme une conscience (cit ) faite de deux puissances (sakti) de connaître et d’agir éternellement avec tout pour objet. Le mala est conçu comme voilant cette nature de conscience, annihilant les facultés de connaissance et d’action, et cela depuis toujours, pour le soi lié (pasu). Le karman (acte) est, comme le mala, conçu comme sans commencement, attaché depuis toujours au soi lié, en ce sens qu’un acte est toujours précédé d’un acte, puisque l’acte qui est achevé en engendre automatiquement un autre. La maya est la matière première du monde, dans le domaine impur exclusivement. Elle est considérée comme éternelle et absolument réelle, dans le saivasiddhanta, à la différence des autres écoles qui, n’acceptant qu’une seule réalité, la considèrent comme une illusion dont la réalité est seulement empirique, mais non absolue. La rodhasakti est le pouvoir qu’a Siva de tenir dans les liens de la maya les âmes liées. Il s’agit là d’un effet de la grâce du dieu, car c’est par le lien avec la maya et ses produits que l’individu peut exister dans le monde phénoménal qui lui est nécessaire pour qu’il puisse y «consommer» le karman et y «mûrir» le mala par l’action bien dirigée, le rituel, la dévotion, le yoga, etc. Le bindu, appelé aussi mahamaya («maya supérieure»), est la matière première du domaine pur. C’est lui qui constitue le corps des êtres purs, les mantra, les vidyesvara, etc. On a vu que cette condition de mantra était donnée par la grâce divine aux âmes libérées de diverses façons des trois premiers liens. C’est donc une première délivrance (aparamukti ) qui octroie la disparition du voile du mala et épanouit les facultés de connaissance et d’action de la pure conscience, mais qui contraint encore à des activités dirigées sur des objets particuliers, celles de création, etc., que Siva, qui n’agit que par intermédiaires, délègue à ces êtres. Ce n’est pas la délivrance totale qui rend l’âme semblable à Siva, pure conscience dont la connaissance et l’action ont éternellement tout pour objet. Les corps faits de bindu, bien que purs, sont donc encore des liens. C’est pourquoi le bindu est classé dans la catégorie pasa.


Cosmologie, connaissance et parole
Ainsi toutes choses et tous êtres se répartissent dans les deux domaines, pur et impur, et dans les trois grandes catégories. Dans ce cadre s’inscrit toute une cosmologie dont, d’ailleurs, de nombreux éléments sont empruntés aux vues classiques des purana et du samkhya . Deux cent vingt-quatre mondes sont décrits, définis principalement par les caractéristiques des êtres qui les habitent. On admet aussi la division du temps en cycles renouvelés à l’infini, avec alternance de créations et de dissolutions. Le schéma de la création est défini par l’apparition de trente-six principes (tattva ) hiérarchisés, répartis dans les deux domaines. Siva et le bindu, tous deux éternels, sont à la tête du domaine pur; le purusa, autre nom du soi lié, et la maya (encore appelée prakrti), éternels eux aussi, sont à la tête du domaine impur. Dans ce dernier, la création est conçue selon le schéma du samkhya, c’est-à-dire selon la hiérarchie de vingt-cinq principes. Pour le domaine pur, le saivasiddhanta a conçu de nouvelles notions. Siva est l’agent de la création seulement dans le domaine pur, parce que là son action n’a pas besoin d’envisager des objets particuliers, tandis que la création dans le domaine impur nécessite que les objets soient différenciés. En effet, seul un être pourvu d’un corps et dont les facultés de connaissance et d’action peuvent viser des objets particuliers en des temps différents est susceptible de créer des objets divers en succession. Siva, qui est sans corps et dont les facultés de connaissance et d’action visent tous les objets dans leur totalité éternellement présente devant sa conscience, ne peut procéder à la création en nombreuses étapes du monde divers des phénomènes du domaine impur. Son rôle est donc, par sa faculté de désir (icchasakti), de mouvoir, de donner l’impulsion au bindu qui constituera les différents principes du domaine pur et donnera un corps aux vidyesvara, auxquels Siva déléguera la charge de la création dans le domaine impur. Le vidyesvara aura donc un corps pour créer. Il lui faudra aussi une connaissance différenciée des divers objets à créer. Or, autre axiome, la connaissance différenciée ne peut être atteinte qu’avec l’aide de la parole. Mais celle-ci est un des derniers produits de la création impure. Le vidyesvara n’en dispose pas avant la création. Le saivasiddhanta postule donc que le bindu évolue en une parole subtile, pure, appelée nada («résonance»), qui donnera aux vidyesvara un moyen de réaliser la connaissance différenciée nécessaire.

Un problème analogue se pose dans le domaine impur. La fonction de la buddhi , organe de compréhension des objets, est la détermination de l’objet particulier. La parole lui est donc aussi nécessaire. Elle ne peut utiliser la parole matérielle qui est située au bas de la hiérarchie et constitue le matériel du sens de l’audition. On postule donc une autre étape intermédiaire de la parole, une autre forme de parole subtile présente dans chaque âme liée (pasu) dans le domaine impur. En admettant aussi des modes de connaissance surnaturels propres aux yogin, le saivasiddhanta propose quatre étapes du bindu-parole: la parole subtile suprême, que même les yogin ne peuvent analyser, ou nada; une parole subtile appelée pasyanti , où les différences entre phonèmes sont résorbées et accessibles aux seuls yogin; une parole intérieure appelée madhyama , matériel dont se sert la buddhi pour atteindre à la connaissance déterminée, parole qui peut être analysée en phonèmes, etc., mais n’est pas perceptible par l’oreille (étape correspondant au langage intérieur, image psychique du langage extérieur entendu ou énoncé); enfin la parole grossière perceptible par l’oreille, appelée vaikhari . Cette répartition de la présence du bindu-parole dans les deux domaines, pur et impur, est aussi représentée par une division qu’on en fait en cinq «parts» (kala ) appelées santyatita , santi dans le domaine pur, vidya , pratistha , nivrtti dans le domaine impur. Cette conception permet d’expliquer comment la connaissance différenciée peut être constitutive de l’âme individuelle. Car celle-ci est éternelle. Or la connaissance différenciée des objets particuliers est sujette à apparition et disparition. Donc, si elle est constitutive de l’âme, celle-ci sera en même temps sujette à naissance et à destruction. Mais si l’on considère que seule la connaissance globale indifférenciée est constitutive de l’âme, et que, alors qu’elle est voilée par le mala, la présence de la matière bindu-parole susceptible de différenciations dans ses étapes inférieures lui substitue les connaissances différenciées, on peut tenir l’âme pour éternelle bien que sujette à des diversifications passagères dues à son contact avec la matière-parole.
Les trente-six principes de la création

La création ainsi rendue possible à partir du Siva suprême et du bindu, les trente-six principes (tattva ) qui en marquent les étapes apparaissent dans l’ordre suivant:
- sivatattva (à distinguer du Siva suprême), c’est-à-dire Siva envisagé comme agent de la création, le bindu étant envisagé parallèlement à lui;
- saktitattva , correspond au désir de créer de Siva, désir qui est aussi la grâce, parce qu’une fois le monde créé l’âme liée en disposera pour consommer ses actes et mûrir sa souillure; le bindu évolue alors en parole subtile (nada);
- sadasivatattva , état de Siva créateur chez qui les puissances de connaissance et d’action sont égales;
- isvaratattva , état de Siva chez qui la puissance de connaissance est rétractée, celle d’action exaltée, le bindu donnant alors corps aux âmes appelées vidyesvara qui seront chargées de la création dans le domaine impur;
- suddhavidyatattva , état inverse du précédent; la puissance de connaissance est exaltée, celle d’action rétractée; le bindu donne corps aux âmes appelées mantra;
Les tattva qui suivent forment le domaine impur:
- mayatattva , matière première du domaine impur, éternelle, mais intervenant à ce point de la hiérarchie comme prête à devenir objet de l’action créatrice des vidyesvara;
- kalatattva , le temps considéré comme non éternel, mais créé avec ses trois divisions, passé, présent, futur;
- niyatitattva , destinée, principe qui règle la répartition du karman, des conséquences des actes, entre les diverses âmes liées, c’est-à-dire qui fait que chaque âme subit les conséquences de ses propres actes au travers des existences qu’elle traverse;
- kalatattva (à distinguer des «parts» du bindu), principe qui soulève une partie du voile que forme le mala sur les capacités d’action des âmes liées: ceci permet à l’âme d’être agent des actes particuliers qu’elle doit consommer pour aller vers la délivrance;
- vidyatattva , principe parallèle au précédent, qui libère partiellement du mala la faculté de connaissance de l’âme liée, lui rendant possible la connaissance particulière dont elle a besoin pour agir et consommer ses actes;
- ragatattva , état général de désir, cause des désirs différenciés selon des objets divers, principe de l’activité de l’âme liée;
- avyaktatattva , support subtil des trois propriétés générales, sattva , «sérénité», rajas , «passion», tamas , «obscurité», qui sont les propriétés définies dans le samkhya;
- gunatattva , les trois propriétés susdites.

Les vingt-trois principes qui suivent sont empruntés avec leurs définitions au samkhya, à savoir les composants du psychisme: buddhi, facteur de détermination de la connaissance et réceptacle des traces et constructions psychiques formées par les actes, qui sont «facteurs d’existence» et causes de renaissance; ahamkara , facteur de la conscience du moi comme sujet devant l’objet particulier dans l’opération de connaissance différenciée; manas , sens global, facteur de l’attention portée sur l’objet particulier, les cinq sens, les cinq propriétés que ces derniers appréhendent, et qui sont aussi des états subtils des éléments grossiers, les cinq éléments.

Cette conception de trente-six principes hiérarchisés fait partie d’une conception plus générale de six ensembles dont les composants sont également hiérarchisés, les six adhvan , littéralement «voies», parallèles entre eux, avec de nombreuses correspondances à tous les échelons. À côté de l’échelle des tattva, l’on a celle des cinq kala, parts du bindu, celle des deux cent vingt-quatre mondes, celle des phonèmes-matrices (matrka ) qui ont pour signification symbolique les trente-six tattva, celle des mots du vyomavyapimantra , longue formule rituelle, celle des mantra dits samhita , formules composées du rituel. Comme cela est fréquent dans toutes les écoles, on établit un parallélisme entre le macrocosme et le microcosme qu’est le corps humain; dans la cérémonie d’initiation (diksa ) par exemple, les six adhvan sont placés sur le corps du disciple, et ensuite on purifie ce macrocosme dans la personne du disciple.
Le shivaïsme tamoul

Comme son homonyme sanskrit, le saivasiddhanta tamoul se fonde sur les agama sivaïtes. Il prétend aussi se fonder sur les veda. Les doctrines, rigoureusement organisées, qu’il enseigne sont très voisines de celles du saivasiddhanta sanskrit. Mais il s’en sépare sur quelques points fondamentaux, puisqu’il s’oriente vers une conception unitaire du principe suprême et du monde phénoménal. Il ne perd pas de vue la différence (bheda ) qui existe entre Siva et le monde, mais il insiste sur le caractère absolument indissoluble de leur union (abheda ) et propose ainsi la théorie du bhedabheda («différence et non-différence»), qui s’oppose également au dualisme des auteurs sanskrits et au monisme absolu de Samkara. Sa formation et son développement dans le Tamilnad, le fait qu’il se soit exprimé principalement en tamoul, tout cela contribue aussi à son originalité.

Si tout le détail de ses doctrines n’est pas inclus dans la poésie religieuse tamoule sivaïte, qui précède de peu son apparition, le saivasiddhanta n’en reste pas moins tributaire de ce vaste mouvement de dévotion. En effet, la littérature tamoule comporte un ensemble d’ouvrages shivaïtes qui ont été anciennement classés en un corpus appelé Tirumurai , formé de onze «livres», et qui constitue un véritable canon shivaïte tamoul. Sept de ces livres forment le recueil, appelé Tevaram , des œuvres d’Appar (VIIe s.), Cambandar (VIIe s.) et Sundarar (VIIIe s.). C’est dans l’œuvre de ces trois saints, ainsi que dans le Tiruvasagam de Manikka Vasagar (VIIe-VIIIe s.), ouvrage qui forme le huitième livre, qu’est puisé le fonds de la liturgie shivaïte tamoule en usage, encore aujourd’hui, dans les temples du Tamilnad. Leur œuvre tout entière faite d’hymnes à Siva, affirmations passionnées de leur monothéisme absolu, opposé en particulier aux conceptions pluralistes de la mythologie puranique, à d’autres mouvements sectaires, bouddhistes, jaina, etc., met sans relâche l’accent sur la grâce divine (tamoul arul), grâce qui, comme on l’a vu, ordonne la marche de toutes choses, et dont l’effet est conçu, à l’extrême, comme l’octroi au dévot de l’amour de Dieu: «Je te demande, dit le dévot à Dieu, ta grâce: inspire-moi de l’amour pour toi.» Les neuvième et onzième livres sont aussi des recueils d’hymnes, de plusieurs auteurs de dates diverses, parmi lesquels se détache la grande poétesse, Karaikkal Ammaiyar (VIe s.), dont le thème principal fut la danse de Siva. Le dixième livre, de caractère tout différent, le Tirumantiram , est l’œuvre d’un ascète du nom de Tirumular: il insiste sur la partie spéculative et doctrinale des agama. Ce dernier ouvrage, peut-être antérieur au VIe siècle, serait le plus ancien.

Le saivasiddhanta tamoul proprement dit apparaît au XIIIe siècle, avec Meykandadevar. L’œuvre fondamentale est le Sivañanabodam qui prétend être le condensé des doctrines des agama sivaïtes, sous forme d’une traduction de douze aphorismes sanskrits provenant, dit-on, du Rauravagama . Un commentaire de ce texte, Sivañanacittiyar , est dû au disciple de Meykandadevar, Arunandi. Ces deux textes forment avec les œuvres d’Umapatisivacarya, lui aussi auteur d’ouvrages mineurs, un canon appelé Meykandasastiram . Une importante littérature en tamoul est fondée sur lui.

Le shivaïsme du Kasmir
Le Kasmir a été le théâtre d’une sorte de réforme du shivaïsme au IXe siècle. Ses auteurs déclarent se fonder sur un ensemble de textes révélés, appelés agama ou tantra , dont les 28 du saivasiddhanta et 64 autres. Ils ajoutent que, parmi les premiers, 10 sont dualistes, 18 mêlent dualisme et non-dualisme; quant aux 64, ils sont purement non dualistes. Ils affirment que la vraie vue non dualiste avait été oubliée, en raison d’une suprématie des deux autres et qu’ils restaurent la vraie. L’artisan de cette restauration est Vasugupta (première moitié du IXe s.), qui reçut la révélation de 77 aphorismes appelés Siva-sutra et rédigea en outre son enseignement en 52 stances intitulées Spanda-karika . Ces textes, auxquels on peut joindre la Sivadrsti de Somananda, sont le point de départ d’une doctrine et d’une littérature philosophique et mystique qui se développe surtout au Kasmir, d’où la désignation fréquente de l’école par le nom de cette région. Elle se donne le nom de Trika «trinitaire» en référence aux trois entités fondamentales dont elle traite: Siva, la sakti et l’âme. Cette littérature se divise en deux branches, non adverses, mais se complétant, celle qui part de Vasugupta et qui met en relief le concept de spanda , celle qui est inaugurée par Somananda et insiste sur l’idée de pratyabhijña . Le plus grand nom de cette école est celui d’Abhinavagupta, florissant aux alentours de l’an 1000, auteur d’une œuvre abondante de technique rituelle (tantra ), d’esthétique et de philosophie mystique sivaïte, de style difficile, d’une grande lucidité et élévation.
La réalité ultime, par rapport à laquelle tout ce qui est autre est apparence, est appelée Paramesvara («Seigneur suprême»). Elle se définit comme conscience et acte, les deux notions ne se séparant jamais dans son essence. Elle est ainsi ce qui fait que l’être est sujet connaissant et animé. Le terme spanda , littéralement «vibration», désigne cette idée de conscience liée à l’acte, cette essence de conscience animée de la réalité absolue. Cette dernière, en tant que suprême et unique, ne dépend que d’elle-même (svatantra ). Son indépendance est dite être sa puissance (sakti ) qui est absolue, parce qu’il n’y a de puissance totale que s’il n’y a pas dépendance. Il y a non-dualité du Seigneur suprême et de sa puissance ainsi conçus. Le monde phénoménal, qui consiste en le sujet connaissant et agissant, l’objet et l’instrument de connaissance, est contenu dans le spanda en tant que principe d’acte et d’expansion. Il n’est donc pas différent de lui. C’est parce que le sujet individuel n’est pas différent du spanda qu’il connaît et cherche à connaître l’objet. Dans l’état d’apparence émané du principe originel, le sujet a sa puissance voilée par le lien fondamental de l’âme, la maya et le karman . Cela l’empêche de voir que son essence profonde est le spanda.

La voie du salut dans le Trika est la recherche de cette essence profonde. L’originalité de cette école est son concept de pratyabhijña , littéralement «reconnaissance». C’est beaucoup plus que le processus de remémoration ordinaire. C’est aussi autre chose qu’une introspection réflexive. C’est la libération de la luminosité du spanda qui est en soi, sa manifestation non entravée par aucune limitation de la connaissance empirique occultante. Un morceau de cristal a sa pureté voilée par l’objet reflété en lui et qui, par sa couleur, en cache la transparence originelle; il n’est pas capable, par lui-même, de ressaisir sa transparence, parce qu’il est dépendant. Mais la conscience vivante du sujet est capable de ce ressaisissement (vimarsa ), en raison de sa nature de lumière par elle-même, éclairant sans dépendance.
Plus que toute autre école non dualiste de la philosophie indienne, le Trika a affirmé avec force le monisme du sujet et de l’objet, l’origine non mondaine du monde dans l’absolu du sujet, l’identité de cet absolu et du sujet empirique, enfin sa faculté de s’illuminer de lui-même. Ces idées intéressent le courant phénoménologique de la philosophie moderne, qui y retrouve les idées d’identité de l’ego mondain et de l’ego transcendantal, celle de réduction phénoménologique.
Les virasaiva ou lingayat

Le nord du Karnataka, dans le sud de l’Inde, a été, lui aussi, le théâtre d’une réforme importante du shivaïsme au XIIe siècle. Il s’agit, au départ, d’une réaction rigoriste et morale contre un excès de ritualisme et, peut-être, la richesse, l’influence politique et l’élitisme de religieux pasupata. L’initiateur de la réforme fut Basava (v. 1130-1168). Il ouvrit la religion à toute la société, fonda à Kalyana, alors capitale du royaume, une «assemblée d’expérience [de Siva et de soi]» (anubhava-mantapa ) où il accueillait les femmes et les plus humbles, prêcha un culte plus personnel, hors des temples, celui d’un linga porté sur soi, préconisa le devoir personnel, le métier, au lieu des macérations et des rites dispendieux, comme marques de la dévotion à Siva, chanta enfin sa foi dans la langue locale, le kannada, inaugurant un genre littéraire, des poèmes en prose rythmée chantés appelés Vacana. Il fut entouré par une pléiade de saints, Allama Prabhu, qui donna un tour plus philosophique à la réforme, se rapprochant parfois du courant philosophique kasmirien, une femme Akka Mahadevi... Les Chants de Basava furent recueillis, ceux de ses compagnons furent rassemblés au XVIe siècle en une compilation importante intitulée Sunyasampadane , ce qui constitue le fondement d’une littérature importante en kannada.
Ce mouvement réformiste et spirituel reprit en quelque sorte des organisations préexistantes, de façon à se structurer en une religion à part entière. On donne cinq sages comme ancêtres éponymes de la communauté qui, assez vite, s’est constituée en un groupe social à part. Si l’institution du temple n’a plus été le centre d’attraction principal, celle du monastère (matha ), dirigé par un renonçant, joue une grande importance, comme source de direction spirituelle, mais aussi comme centre culturel et d’enseignement.

Si l’instrument d’expression a été principalement le kannada, le sanskrit n’a pas été abandonné, et il y a une doctrine philosophique remarquable exposée dans les œuvres sanskrites de Revanaradhya, Sripati et Mayideva. Ce dernier est l’auteur d’un exposé systématique et précis de la doctrine des six sthala ou étapes de la vie spirituelle du dévot de Siva.

 

Yama

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Un enseignement qui n’est pas explicitement formulé dans les textes juridiques, mais que l’on peut tirer, d’une part, les dictons et proverbes qui ont la dette pour thème, d’autre part, des prières et formules à réciter pour sortir de la condition de débiteur ou pour éviter d’y tomber, c’est que la dette est un très grand malheur, une figure de la mort. L’homme qui se trouve chargé d’une dette matérielle évoque le dépôt que Yama, dieu de la mort, lui a confié, imposé au moment même, du fait même, de sa naissance: cadeau immédiatement transformé en créance, puisque la mort est toujours là, prête à réclamer cette vie. Le souci d’avoir à rembourser l’usurier ou le propriétaire réveille inévitablement l’angoisse que fait naître en l’homme la pensée du créancier ultime, la mort. Tout se passe comme si les dettes contingentes et partielles que l’homme contracte au cours de son existence n’étaient que les symptômes ou l’illustration de la dette essentielle qui définit sa destinée: le brahmanisme ne manque pas une occasion de nous rappeler que «devoir», c’est, avant tout et en fin de compte, «devoir mourir».

L’homme, en effet, dès qu’il naît, naît à l’état de dette: Rnam ha vai jayate yo’sti . Le simple fait de naître charge l’homme d’un fardeau, tout comme le simple fait de naître entache le feu d’une souillure, dénote une souillure. Pour l’homme, la vie est un bien qu’il n’a pas sollicité et dont il se trouve encombré malgré lui comme d’un dépôt. Le même mouvement qui lui donne la vie l’en dépossède. On comprend que la dette originaire, constitutive, ne soit pas quelque chose qui affecte l’homme: elle est l’homme, comme il est dit dans Athrarva-Samhita , VI, 117, 1: «Ce que je suis d’emprunté, de non restitué, le tribut à Yama avec lequel je vais et viens...» Le créancier de cette dette, le propriétaire de ce dépôt, le roi qui réclame l’impôt non payé, c’est, en effet, Yama, le roi des morts, ou mRtyu , la mort elle-même. Être endetté d’emblée, sans rien avoir rien demandé, n’être que (par) sa dette: on comprend que cette situation porte l’homme à s’interroger sur les péchés inconscients ou semi-conscients qu’il a pu commettre quand il n’était qu’un petit enfant lascif sur les genoux de ses parents, ou même quand il n’était qu’un embryon dans le ventre de sa mère. Tel est le sens, en effet, des prières insérées dans les kusmandamantra que le Taittiriya Aranyaka, avec une remarquable clairvoyance, fait dire au récitant. Cette culpabilité vague que l’on reconnaît et que l’on cherche à préciser par des conjectures anxieuses, ces fautes que l’on admet tout en s’efforçant de les présenter comme excusables ne rendent pas compte cependant de la dette fondamentale, initiale. (Que l’homme, selon le brahmanisme, naisse «en tant que dette», que cette dette soit la marque de sa condition de mortel ne signifie pas que la nature de l’homme soit déterminée par un péché originel. Comme le mot sanscrit Rna , «dette», peut parfois se colorer en «faute», les philologues allemands du siècle dernier, influencés peut-être par l’ambiguïté du mot Schuld , à la fois «dette» et «faute», ont suggéré de faire dériver Rna du même radical indo-européen que le latin reus , «accusé», «coupable». L’étymologie est erronée, et de même serait trompeuse une similitude entre la dette fondamentale et le péché originel. La dette n’est ni le signe ni la conséquence d’une chute, ni, du reste, de quelque événement que ce soit. Elle ne résulte pas d’un contrat, mais installe d’emblée l’homme dans la condition, le statut de débiteur. Ce statut lui-même se concrétise et se diversifie en une série de devoirs ou de dettes partielles, qui sont invoqués, dans les Codes hindous, pour justifier les règles de droit positif qui organisent le régime de la dette matérielle.)

Si le créancier est Yama, le débiteur est l’homme, purusa . Pour se libérer de la dette envers la mort, il n’y a que deux moyens: satisfaire le créancier, donc, en l’occurrence, s’abolir soi-même; ou bien se mettre hors de son atteinte, ce qui revient à nier la dette, non à s’en acquitter; la première est celle du suicide oblatoire (sur cela, voir S. Lévi, Doctrine , p. 133), la seconde, celle de la délivrance dont la théorie ne prendra forme qu’à l’extrême fin de la période védique. Comment vivre, néanmoins, tout en assumant sa dette? Les textes ne donnent pas de réponse directe à cette question. Mais, quand on confronte la théologie du kusida à la théologie des Rna, on voit se dessiner l’explication que voici: l’être endetté, dépositaire de la mort, s’arrange de sa dette en la fractionnant, en substituant (en fait en ajoutant) au créancier unique des créanciers multiples, en inventant des procédures qui permettent un paiement échelonné et qui font du déroulement même de la vie humaine un moyen de s’acquitter: on ne vit pas malgré mais par la dette. Le paiement des dettes partielles n’annule pas la dette globale, mais il la diffère. En fin de compte, Yama réclamera toujours son kusida. Mais le stratagème des dettes partielles aboutit à ceci que le dépôt de Yama ne constitue plus à lui seul le tout du dépositaire: en payant ses dettes partielles, l’homme s’est racheté; c’est-à-dire qu’il s’est acheté une personne distincte de ce qui est la propriété de Yama. Ce que les nouveaux créanciers exigent de lui, ce n’est pas, en effet, qu’il renonce à la vie, mais au contraire qu’il vive pour les apaiser, les rassasier jour après jour, et qu’il renforce, pour ce faire, et ce faisant, toutes les solidarités qui l’unissent à sa lignée ancestrale, à sa branche védique, à l’ensemble du monde tel qu’il est régi par les dieux. Les moyens de satisfaire ces créanciers multiples sont fournis par le rite. La vie devient possible, mais dans la mesure où elle est légitimée par le rite, dans la mesure où elle apparaît comme la condition nécessaire à l’exécution du rite.

Vishnu

On ne peut véritablement séparer le vichnouisme de l’ensemble religieux de l’Inde brahmanique: il n’est qu’un des aspects de l’hindouisme. Les germes en remontent aux temps védiques et, depuis deux millénaires, la forme qu’il revêt n’a pas profondément changé. Parallèle au shivaïsme, en étroite liaison avec lui, il présente la même ancienneté et évolue de façon analogue au cours des siècles. Bien que de nombreux textes proclament Visnu «dieu des brâhmanes», il n’en reçoit pas moins, de même que Siva, un culte populaire, tantôt comme l’une des divinités majeures de l’hindouisme, tantôt - et c’est alors qu’on peut parler de vichnouisme - comme l’Absolu personnifié auquel se subordonnent tous les autres dieux: plus exactement, ceux-ci ne sont plus considérés dans ce contexte que comme des manifestations secondaires de Visnu, Dieu suprême.

1. Visnu
Visnu (autres transcriptions non retenues ici: Vishnu, Vichnou), l’une des deux grandes figures du panthéon hindou, est, comme Siva, une divinité complexe qui a, au cours des siècles, drainé nombre de courants issus de traditions diverses.
Origine et identifications à Narayana, le Purusa et Bhagavant
L’étymologie du nom de Visnu reste incertaine; plusieurs ont été proposées, qui toutes relèvent plus d’un désir d’explication en rapport avec le personnage même que d’une démarche philologique assurée. On peut être tenté de voir dans cette difficulté d’interprétation une preuve de l’origine lointaine de cette dénomination, déjà attestée aux temps védiques. Visnu était alors associé à d’autres êtres divins, les Aditya, fils d’Aditi, la «Sans limites»; les sept Aditya primitifs devinrent huit, puis, à une époque plus récente, douze, et on les assimile alors aux mois de l’année.
L’une des plus vieilles légendes concernant Visnu est celle du nain Vamana, qui se mue soudain en géant et parcourt en trois pas - deux visibles, le troisième invisible - la triade des mondes. On y a vu la trace d’attaches solaires du dieu: les trois pas (trivikrama ) seraient l’image de la marche diurne et nocturne du Soleil; le nain devenu géant prend lui-même ce nom de Trivikrama.

Il se peut qu’une notion solaire soit ici sous-jacente, mais ce qu’il faut surtout retenir, c’est l’affirmation d’une qualité permanente du dieu: l’omniprésence, la faculté de se propager et de se développer indéfiniment dans l’espace. À la différence de Siva, dont le rapport au Temps s’affirme à haute époque, Visnu présente dès l’origine un caractère de dieu spatial. Peut-être le fait que, par la suite, les deux divinités ont été souvent perçues comme plus complémentaires qu’antithétiques est-il une conséquence de ces deux positions initiales.

L’expansion illimitée du dieu englobe l’univers entier; la notion de Totalité avec laquelle il se confond plus tard et qui le fera identifier avec le brahman se révèle déjà sous-jacente dans le Rgveda . Omniprésence, Totalité, il est aussi, en conséquence, l’«Omniperméant», celui qui de l’intérieur soutient et régit tout ce qui existe.
Connu en tant que Visnu même dès la plus haute antiquité, le dieu se verra assimiler une autre figure majeure qui apparaît dans les brahmana , Narayana. Semblable en cela à Prajapati, le Maître des créatures, l’Engendreur (mais la procréation qui en procède est fonction du sacrifice), Narayana, dans le Satapatha Brahmana , se place au centre du sacrifice. Il en est à la fois la victime, l’exécuteur et le bénéficiaire: de lui-même, il se sacrifie lui-même à lui-même. Une voix incorporelle lui avait enjoint: «sacrifie»; toutes les divinités auxquelles s’adressait le rite ayant disparu, il demeure seul concerné.
Cette position particulière entraîne son identification avec le Purusa, c’est-à-dire le Géant cosmique que l’hymne X.90 du Rgveda montre dépecé par les dieux en un sacrifice dans lequel, avec son corps démembré, est créé le monde. Là encore, son aspect «Totalité» s’impose.

Nombreux sont les textes qui, par la suite, proclameront que Visnu est le Purusa, l’Être, voire le Purusottama, l’Être suprême. Le glissement d’une notion à l’autre, d’un nom à l’autre a été facilité, en ce qui concerne Narayana et Purusa, par le fait que, dans son sens courant, purusa signifie «homme» et que Narayana apparaît comme un dérivé de nara qui lui est synonyme. L’iconographie a popularisé l’image de Narayana endormi sur les replis du grand serpent d’infinitude, à la surface des eaux cosmiques, durant la période de résorption universelle.
Si le lien entre Visnu et Narayana est clair dans le Satapatha Brahmana , on trouve attestée très tôt également - par exemple dans la Brhaddevata , qui date peut-être du IVe siècle avant J.-C. - une association entre Indra et Visnu, qui prépare à l’adoption par ce dernier d’un certain nombre de traits caractéristiques dont le plus important est celui de «tueur de démons». À ce niveau, Visnu seconde Indra; bientôt, il assumera seul cette tâche.

Dans le Mahabharata , l’épisode célèbre de la Bhagavad Gita magnifie l’Absolu personnifié sous le nom de Bhagavant, le gracieux Seigneur, épithète dévolue à Krsna. Du bhagavatisme, il existe d’autres témoignages anciens; des inscriptions du IIe et du Ier siècle avant J.-C. donnent le nom de Vasudeva (fils de Vasudeva, c’est-à-dire Krsna) comme étant celui du dieu des bhagavata , les disciples du Bhagavant. Vasudeva, à son tour, deviendra une appellation de Visnu; le passage s’opère à travers le personnage de Krsna, que des textes plus tardifs donnent comme un avatara , une incarnation de Visnu. Mais il ne faut pas perdre de vue le fait que, dans la Gita , c’est le nom de la divinité suprême, revêtue de tous les caractères qui seront ceux de Visnu dans l’hindouisme. Visnu lui-même n’est mentionné qu’épisodiquement, comme le premier de la catégorie divine à laquelle il appartenait à l’origine, celle des Aditya (X.21). Encore cette affirmation n’a-t-elle là qu’une importance très secondaire: elle intervient dans une énumération où Krsna se donne comme la quintessence de toutes les catégories d’êtres ou d’objets remarquables.

Visnu et Krsna
L’assimilation de Krsna et de Visnu a dû pourtant se produire vers cette époque (IIe s. av. J.-C.). Krsna comme Dieu suprême préexistait à cette identification. Divinité de tribus pastorales et forestières, lui non plus ne se présente pas sous un visage simple. Dans le Mahabharata , en dehors de la Bhagavad Gita et de quelques autres passages spéculatifs, son aspect de guerrier apparenté aux deux clans rivaux des Pandava et des Kaurava s’affirme beaucoup plus que sa nature divine. Toutefois, comme en filigrane, transparaît à travers le récit le sentiment qu’il ne s’agit pas d’un personnage ordinaire: le simple fait de l’avoir choisi pour allié plutôt que son armée est pour les Pandava un gage de victoire, ce qui contredit toute interprétation purement humaine de ce qui le concerne.

Il se peut, toutefois, que sa légende soit venue se greffer sur celle, magnifiée, d’un guerrier qui appartenait à une tribu des environs de Mathura et que la postérité avait divinisé. Mais cette magnification s’est vraisemblablement produite à une date très ancienne. Par la suite, le mouvement s’accentuera, et des textes tels que le Harivamsa (IVe s. apr. J.-C.) appuient sur le côté merveilleux que développeront les purana , textes épiques dont la composition s’étage du IVe au Xe siècle. Le Harivamsa insiste sur l’enfance de Krsna, que le Mahabharata négligeait. Les exploits du fils de Vasudeva, sauvé de la mort à laquelle le vouait son oncle, usurpateur du royaume, mettent en évidence sa toute-puissance innée.
Dans ce texte aussi apparaît le héros que les légendes ultérieures rendront populaire: le jeune pâtre autour duquel se pressent les bergères (gopi ) amoureuses. Les mystiques du Moyen Âge indien verront dans ce thème la ronde empressée des âmes en quête de délivrance autour du Dieu suprême de la bhakti (dévotion).

Le Visnu de l’hindouisme
Quoi qu’il en soit, c’est aux environs de l’ère chrétienne que la physionomie du dieu a revêtu la plupart des traits qui le caractériseront désormais. Diverses théories sont bâties pour tenter de rendre compte à la fois de l’immutabilité de la Personne suprême et de son activité, qui crée, protège et détruit le monde.
La notion de la triade divine (Brahma-Visnu-Rudra), dont chaque membre préside à l’une de ces trois fonctions, a toujours été saisie, non comme la juxtaposition de trois activités autonomes, mais comme la représentation des différentes manifestations d’une Totalité qui les englobe toutes. Dans les courants issus des upanisad , elles apparaissent comme des personnifications du brahman impersonnel. Dans le shivaïsme, où le groupe porte le nom de trimurti (triplicité de formes), un Siva suprême coiffe ces trois figures limitées de l’énergie divine. Dans le vichnouisme, la Personne suprême, appelée tantôt Visnu, tantôt Vasudeva ou Narayana, tantôt seulement Bhagavant, règne également sur les différentes manifestations d’une puissance unique.
Toutefois, ce n’est pas là la seule façon dont le vichnouisme préserve le caractère primordial du dieu considéré dans son essence même: son immutabilité, son inactivité.

Sur le plan de la création cosmique, l’explication la plus courante est popularisée par l’iconographie: du nombril de Visnu-Narayana, plongé dans un sommeil yogique sur le serpent Ananta, surgit un lotus; au cœur de celui-ci naît le démiurge Brahma, assumant la fonction qui lui est dévolue depuis les brahmana.
Ce rôle de Brahma a peut-être contribué à freiner dans l’ensemble le développement du shaktisme à l’intérieur du vichnouisme. Bien qu’il existe un courant tantrique vichnouite, particulièrement important dans le sud de l’Inde, la croyance au pouvoir créateur de Brahma s’y maintient, souvent sans faire directement appel à la sakti , forme féminine personnifiée de l’énergie du dieu et inséparable de lui.

À ce schéma général s’allient d’autres doctrines visant à préserver de toute altération la notion du dieu impassible, omniprésent et omniperméant - toute action appartenant au domaine du mesurable et donc de la relativité.
Très tôt, dans l’une des traditions qui se continuent jusqu’à nos jours, on a considéré deux sortes d’activités divines: l’une permanente, étroitement liée à l’évolution cosmique; l’autre occasionnelle, en rapport avec le maintien ou le rétablissement de l’ordre, à la fois moral et cosmique, car ces deux points de vue sont indissociables dans la pensée religieuse indienne.

Les vyuha
Ainsi le dieu, inaccessible sous sa forme suprême (para ), se manifeste-t-il par des expansions (vyuha ) émanant les unes des autres. On en compte quatre qui contribueront à faire apparaître tout ce qui existe, depuis la création la plus subtile jusqu’à celle des objets matériels, produits par l’union d’éléments antérieurement émis. Il ne faut jamais perdre de vue le fait que, pour l’Inde, toute création est une émission (srsti - de SRJ, émettre) et que le processus d’apparition du monde ne fait que continuer celui des expansions divines. Les quatre vyuha s’apparentent à la tradition krishnaïte ; en effet, la première porte le patronyme même de Krsna, identique d’ailleurs à l’une des appellations de la Personne suprême, Vasudeva; la deuxième, Samkarsana, est désignée du nom de Balarama, le frère de Krsna; enfin, Pradyumna et Aniruddha, les deux dernières, évoquent l’un des petits-fils et l’un des arrière-petits-fils de Krsna.

Les avatara
En ce qui concerne le maintien de l’ordre (dharma ), on ne parle plus de vyuha mais de vibhava (manifestations) ou d’avatara (descentes); cette série représente l’une des doctrines les plus populaires de l’hindouisme vichnouite. Chaque fois que le désordre apparaît dans le monde - le désordre moral entraînant toujours un désordre cosmique -, la divinité intervient. Elle s’engage dans le relatif en s’incarnant pour rétablir l’équilibre d’un univers chancelant. Principe de l’ordre, elle affronte ceux du désordre, représentés le plus souvent par les asura . Le mot «démon» traduit mal la notion personnifiée par ces éléments perturbants. On peut envisager ceux-ci comme étant des antidieux, car, dans un état antérieur de la religion, deva et asura étaient deux classes d’êtres d’un pouvoir égal. Les dieux n’ont assuré leur souveraineté qu’en s’emparant du soma , la liqueur d’immortalité; et, périodiquement, les asura tentent de rétablir leur empire. La lutte qu’ils se livrent alors représente l’un des thèmes les plus courants et les plus anciens de la mythologie védique. Jadis Indra était leur adversaire attitré; on a vu que Visnu, d’abord auxiliaire d’Indra dans cette tâche, se substitue peu à peu à lui. Les avatara sont, d’une certaine manière, les témoins de cet héritage.

La théorie de ces descentes semble n’avoir revêtu sa forme actuelle qu’aux environs de l’ère chrétienne. Bien que traitant des dix avatara qui figurent dans la tradition classique, le Mahabharata , lorsqu’il en donne une liste, n’en cite souvent que les quatre premiers, ceux où la divinité s’incarne sous une forme animale ou semi-animale: le poisson, la tortue, le sanglier et l’homme-lion. Les trois premiers sont, en fait, des emprunts à la légende de Prajapati-Brahma, le démiurge. L’incarnation du poisson se relie, par ailleurs, au mythe du déluge et de Manu, le premier homme; Visnu reprend à son compte, avec ses légendes, les traits de celui qu’il va lui-même émettre, en vue de la création universelle.
Ainsi a-t-il absorbé, au cours des siècles, des traits caractéristiques d’autres divinités. L’une de ses appellations, Hari (le Fauve), un des noms du feu, trahit peut-être des affinités avec celui-ci, réponse terrestre à ce que sont le Soleil dans le ciel et la foudre (vajra ), l’arme d’Indra, dans l’espace intermédiaire.
Le nombre des avatara ira croissant; en fait ils sont innombrables, car la divinité peut soit s’incarner en totalité, soit aussi, à l’occasion, dépêcher une partie seulement d’elle-même dans l’univers. On finit même par considérer qu’un maître spirituel, qui transmet la doctrine, est une incarnation du dieu.
Toutefois, on donne traditionnellement une liste qui ne comprend que dix avatara, avec parfois de légères modifications quant à l’ordre ou à la personne des titulaires. En gros, neuf des noms ne varient pas. Les trois premières descentes, thériamorphes, sont suivies de celles de Narasimha, mi-homme mi-lion, et de Vamana, le nain devenu géant; puis de celles des trois héros divinisés: Parasurama, Rama et Krsna; enfin, de l’incarnation à venir, celle qui accompagnera la destruction universelle, Kalkin, cavalier ou homme à tête de cheval. L’avatara au sujet duquel existent quelques flottements est celui du frère de Krsna, Balarama (Samkarsana dans la série des vyuha), que certaines listes remplacent par le Buddha.
Parmi ces manifestations, deux grandes figures dominent de loin les autres; il n’y a pas de commune mesure entre Rama ou Krsna et le sanglier ou l’homme-lion. Comme c’était déjà le cas à haute époque, le rôle majeur est tenu par Krsna, tandis que Rama donne l’impression d’avoir été d’abord un héros qui fut divinisé avant d’être, en dernier lieu, identifié à Visnu lui-même. Il a eu, néanmoins, surtout dans le sud de l’Inde, de nombreux adeptes.
La déesse

Très tôt, on adjoindra à Visnu une divinité féminine, Sri, dite aussi Laksmi, elle aussi personnage complexe. En fait, Sri et Laksmi ont une origine différente, mais on les a assimilées l’une à l’autre dès l’époque védique. Sri, la Prospérité, est parfois identifiée à la Terre. On l’unit non seulement à Visnu, mais au Purusa cosmique, si proche de Prajapati, le premier procréateur. Ce n’est d’ailleurs là qu’un lien de plus entre Visnu et le Purusa.
Dans le Rgveda , en annexe au livre V, on trouve un Srisukta (prière à Sri) qui est demeuré populaire et qui met en relief son rôle de déesse agraire assurant la fécondité aux végétaux, aux troupeaux et aux hommes - caractère qu’elle partage avec Laksmi et qui a dû contribuer à leur identification. Laksmi personnifie tout ce qui est favorable, notamment le blé mûr.
À Sri on assimilera aussi Sasthi, qui est plus souvent rapprochée de Durga, la parèdre de Siva, mais qui possède aussi le pouvoir d’exaucer les vœux. Par ailleurs, la parenté avec la Terre est un trait constant de la compagne de Visnu: dans l’avatara du sanglier, c’est pour la tirer du fond des eaux que Varaha plonge dans l’océan. L’iconographie la montre assise sur le bras du dieu qui vient de l’arracher aux abîmes. Plus tard, les représentations figurées et les textes qui assignent deux épouses au dieu indiquent que Sri-Laksmi se tient à sa droite et Bhu, la Terre, à sa gauche. Enfin, le nom du modèle des femmes, l’épouse parfaite de Rama, est Sita, ce qui signifie «sillon», et on la donne pour fille de la Terre.
Lorsque le tantrisme s’infiltre dans les doctrines vichnouites, le rôle de la déesse va croissant. Elle devient, comme dans tous les mouvements gagnés par le shaktisme, l’énergie personnifiée du dieu, inséparable de lui. Elle cessera de lui être subordonnée pour devenir quelquefois son égale; il viendra même une époque où les prières s’adresseront à elle plus souvent qu’à lui.

L’image qu’on se fait de Visnu varie selon qu’il s’agit du dieu lui-même, dans la gloire de son ciel, le Vaikuntha, ou de l’une de ses manifestations. Bien que relevant d’une théorie plutôt abstraite, il faut noter que les textes reconnaissent à chaque vyuha une couleur particulière: blanche pour Vasudeva, rouge pour Samkarsana, étincelante comme la lumière (ou jaune) pour Pradyumna, bleu sombre pour Aniruddha.
D’autre part, lorsqu’on parle de Narayana, la vision qui s’impose est celle du dieu couché que le grand serpent Ananta - dont Balarama est une incarnation - porte à la surface des eaux cosmiques.
Quant à Krsna, c’est tantôt l’enfant espiègle, tenant à poignée un serpent, tantôt le jeune pâtre joueur de flûte, appuyé sur une seule jambe. On peut remarquer que, sauf dans des groupes sculptés ou peints, on ne représente guère le dieu guerrier de la Bhagavad Gita . Mais, inséparable de l’idée de Krsna est celle du Vrndavana, le parc aux bestiaux des environs de Mathura où il a passé sa jeunesse; cette image répond, en contexte krishnaïte, à celle du Vaikuntha, où trône le dieu sous sa forme de
Visnu.

Pour les besoins du culte, Visnu est représenté tantôt debout, tantôt assis sur l’aigle mythique Garuda, qui lui sert de monture (vahana ) et dont le culte lui est étroitement associé. Les légendes concernant Garuda sont anciennes; l’une d’elles l’oppose à Indra, dont le vajra (foudre) est brisé; ce détail apparaît comme une marque de plus du pouvoir déclinant d’Indra et de la force croissante de Visnu. Autant que le roi des oiseaux, Ananta ou Sesa, le roi des serpents, ne se sépare pas du dieu; support de son sommeil yogique, il l’abrite de ses capuchons et ses manifestations accompagnent celles du dieu: il est Samkarsana, il est aussi Balarama. On ne saurait avoir une idée du personnage de Visnu si l’on ne gardait en mémoire cette caractéristique foncière des avatara, qui ne le concerne pas seulement lui-même mais aussi ceux qui sont inséparables de sa manifestation primordiale.
Contrairement à ce qui se passe dans le cas de Rudra-Siva, la légende ne donne pas de fils à Visnu en tant que Dieu suprême. Toutefois, il peut en avoir en tant qu’avatara: ainsi les épopées parlent-elles des fils de Rama et de Krsna.
C’est probablement sa fonction de protecteur du monde qui fait de Visnu un dieu essentiellement bienveillant. Dans le climat vichnouite se développeront les cultes de dévotion (bhakti ) que la Bhagavad Gita exprimera pour la première fois. Une telle attitude s’étendra à des traditions bien différentes, mais les rapports d’amitié entre la divinité et ses fidèles ont une origine vichnouite. Même s’il existe une forme terrible de la divinité - Narasimha, l’homme-lion -, sa colère est épisodique et provoquée par la persécution que subit l’un de ses dévots; les manifestations divines sont, pour la plupart, imprégnées de mansuétude. La protection divine ne connaît pas de fin; elle ne cesse pas lors de la dissolution universelle, puisque, durant son sommeil magique, Visnu continue de porter en mémoire le schème moteur qui, protégé par lui, resurgira intact et se remettra à évoluer à la fin de la nuit cosmique.

2. Le vichnouisme
L’histoire du vichnouisme se développe en fonction de l’évolution qu’a subie la conception même du dieu. Le Rgveda ne contient pas d’hymnes à Visnu en tant que tel, mais, dans la mesure où le Purusa apparaît comme l’une des composantes majeures de la physionomie ultérieure de celui-ci, on peut considérer que le Purusasukta se relie au vichnouisme. Il s’agit, on l’a vu, de l’hymne X.90, qui donne pour origine à la création du monde le sacrifice du Géant cosmique.
Dans les antiquités vichnouites, la position centrale du Purusa par rapport au sacrifice figure parmi les caractères qui continueront d’imprégner la pensée plus tardive. L’une des upanisad védiques qui relèvent du Yajurveda noir, et que l’on a de bonnes raisons de tenir pour ancienne, se réfère au dieu sous son nom de Narayana: il s’agit de la Mahanarayana Upanisad , laquelle s’inscrit à la suite des passages du Satapatha Brahmana , qui les premiers exaltaient le porteur de ce nom.
Le bhagavatisme, lié plus directement à l’aspect krishnaïte du dieu, doit être regardé comme une forme ancienne de la religion. À ce moment, Krsna n’est pas encore tenu pour un avatara; il est le Dieu personnel dans sa totalité, le Bhagavant, ce gracieux Seigneur qui laisse accéder à lui ses fidèles (bhakta ) pour participer à son être. Une telle position est attestée au IIe siècle avant J.-C. par une inscription de Besnagar, dans le centre de l’Inde: le dédicataire du pilier porteur de l’inscription se déclare bhagavata , disciple du Bhagavant. L’intérêt de ce texte se double du fait qu’il atteste la fusion, dès cette époque, de Visnu et de Krsna, car, si le nom divin mentionné est celui, krishnaïte, de Vasudeva, la colonne porte un Garuda, monture et emblème de Visnu.

Il se peut que la Bhagavad Gita soit quelque peu antérieure. On a récemment émis en Inde l’hypothèse selon laquelle elle aurait été le noyau central du Mahabharata (S. Jaisval); autour de cet enseignement du krishnaïsme bhagavata serait venu se grouper un ensemble de légendes et de mythes ordonnés à l’intérieur d’un récit-cadre. Même si cette position n’est ni prouvée réellement ni prouvable, il est certain que le Mahabharata - la grande épopée indienne dont la composition s’étend sur six ou sept siècles (du IIIe s. av. J.-C. au IVe s. apr. J.-C.) - est, en dépit de nombreux passages en l’honneur de Siva, un texte d’obédience vichnouite.

Cette position est encore bien plus marquée en ce qui concerne la deuxième épopée sanskrite, le Ramayana , dont la composition s’étale à peu près sur la même durée que celle du Mahabharata . Son héros, Rama, se présente simplement, dans les parties les plus anciennes, comme le modèle des princes vertueux, mais les chapitres récents le donnent pour un avatara de Visnu.

Sous le nom de Satvata, tribu pastorale à laquelle appartenait la famille de Krsna, il ne faut probablement pas chercher une secte différente de celle des bhagavata. L’appellation met simplement en lumière le côté d’abord régional d’un culte qui, par la suite, se répandra dans l’Inde entière. Il s’agit là de l’arrière-plan religieux devant lequel va s’édifier le vichnouisme tel qu’on le rencontre au début de l’ère chrétienne.

Les deux courants des vaikhanasa et des pañcaratra
C’est vers cette époque que, dans la tradition vaisnava (vichnouite), commencent à s’affirmer deux grands courants, qui existent encore de nos jours et qui durent différer d’abord sur des questions de rituel. L’un se réclame d’un docteur yajurvédique, Vikhanas, dont les adeptes, les vaikhanasa , entremêlent de pratiques empruntées au védisme d’autres rites et de croyances appartenant aux formes du brahmanisme plus récent, mieux connu sous le nom d’hindouisme. Bien qu’il proclame aussi, en toute occasion, son attachement à l’aspect ancien de la religion, l’autre courant, le pañcaratra , introduit un certain nombre de doctrines qui lui sont particulières; il semble qu’il soit en liaison directe avec la secte des bhagavata.
Sur le terme même de pañcaratra , on n’est pas d’accord; la traduction littérale, «les cinq nuits», a reçu de multiples interprétations. Il se peut que le terme désigne une forme spéciale du culte où les cérémonies orchestrées par Narayana et dont traite le Satapatha Brahmana s’étalaient sur cinq journées (ratra , ou ratri , désignant en sanskrit la durée de vingt-quatre heures).

Par ailleurs, à l’aide d’une de ces étymologies difficiles dont l’Inde a le secret, la tradition se plaît à voir sous le terme ratra un dérivé de RA, donner. Ainsi les cinq ratra désigneraient les cinq espèces de manifestations de l’ultime Réalité. Quoi qu’il soit, le pañcaratra, qui présente un certain nombre de ressemblances doctrinales avec la secte shivaïte des pasupata attestée vers la même époque, apparaît tout constitué dans le Mahabharata . On y trouve au douzième chant une section dont le titre même indique la coloration religieuse: les dix-huit chapitres du Narayaniya parvan . Il s’agit, il est vrai, de l’une des parties les plus récentes de l’épopée; elle ne doit pas remonter plus haut que la seconde moitié du IIIe siècle après J.-C.

Le «Harivamsa» et les purana
À peu près contemporain, le Harivamsa (La Lignée de Hari , IVe s.) forme une sorte de suite du Mahabharata , mais se préoccupe bien plus de légendes que de doctrines. Il narre les aventures de Krsna, dont Hari est l’un des noms, dans une perspective qui est déjà celle des purana. Il est vichnouite au sens général du terme, très marqué de krishnaïsme, bien entendu, mais non porteur de caractéristiques sectaires.
Les purana, autres textes épiques, prendront la relève et, se partageant selon des obédiences différentes - vichnouites, shivaïtes et même brahmaniques -, ils diffuseront mythes et légendes ayant trait aux dieux majeurs. Cependant, leur répartition est surtout affaire de classification théorique: en fait, ils sont principalement soit vichnouites, soit shivaïtes; mais les textes shivaïtes exaltent Visnu et les textes vichnouites contiennent souvent des hymnes à Siva. On ne peut vraiment compter comme étant foncièrement vichnouites et sans référence au culte d’autres divinités que l’un des textes les plus anciens, le Visnu Purana (IIIe-IVe s.), marqué de croyances pañcaratra, et l’un des plus récents (Xe s.), le Bhagavata Purana , qui mélange une intense dévotion à Krsna et une position philosophique d’un monisme très influencé, semble-t-il, par le courant de pensée issu de Sankara.

Il est probable que le fonds commun de tous les purana remonte beaucoup plus haut que la forme qui leur a été donnée entre le IIIe et le Xe siècle de l’ère chrétienne. De ce fait, l’état du vichnouisme, tel qu’il s’y trouve exprimé, doit différer très peu de ce qu’il était déjà avant notre ère.
On a vu que, dès lors, deux traditions vichnouites, celle des vaikhanasa et celle des pañcaratra, poursuivaient leur évolution parallèle. Il semble que le rituel vaikhanasa ait prédominé durant plusieurs siècles et qu’il était suivi dans les principaux temples du sud de l’Inde.

On possède peu de données sur ce qui se passait dans le Nord, les invasions islamiques ayant ravagé les lieux de culte, mais le Sud, resté partiellement à l’abri, fournit des renseignements assez abondants sur le développement religieux.

Les alvar et les samhita
En pays tamoul, un groupe de poètes mystiques, les alvar , qui composèrent leur hymnes entre le VIe et le IXe siècle, ont chanté dans leur langue leur amour pour Visnu sous sa forme de Krsna. Le krishnaïsme se présente donc, une fois de plus, comme le climat dans lequel s’est épanouie le plus aisément la dévotion vichnouite.
C’est aussi sur l’aire géographique où l’on parle tamoul qu’une lignée de docteurs - dont le plus célèbre fut Ramanuja - a exposé en sanskrit, vers les XIe-XIIe siècles, les doctrines du pañcaratra. Celles-ci subsistaient, d’ailleurs, dans un certain nombre de textes plus anciens. Ces samhita (collections) vichnouites, dont les plus anciennes doivent remonter aux Ve-VIe siècles, sont des ouvrages tantriques, faisant pendant aux agama du shivaïsme. Certaines sont d’inspiration vaikhanasa, d’autres pañcaratra; toutes propagent les doctrines selon lesquelles s’affirme le culte de l’énergie divine personnifiée, Sri-Laksmi, inséparable du dieu lui-même.
L’un des grands intérêts de ce genre de textes vient de ce qu’ils comportent chacun, à côté d’un exposé doctrinal, une section qui traite des pratiques du yoga et deux autres qui sont consacrées au rituel, tant sous son aspect collectif et social que sous son aspect individuel.

C’est en liaison avec cette littérature tantrique que se succèdent des maîtres spirituels enseignant les doctrines et rites sous une forme plus philosophique; ils les débarrassent des légendes qu’on y trouvait entremêlées selon le mode de composition qu’utilisaient déjà le Mahabharata et les purana.

Les srivaisnava
Si le rituel vaikhanasa dominait, la tradition pañcaratra avait dû néanmoins se maintenir de façon continue. Les écrits de Yamunacarya, le maître de Ramanuja, le prouvent abondamment, mais le disciple dépasse le maître de très loin par la rigueur et la profondeur de ses raisonnements, comme par la vigueur de son style. De même, c’est lui qui parviendra à instaurer (ou à restaurer) le rituel pañcaratra dans un grand nombre de temples du sud de l’Inde. On a vu, à propos de la nature de Visnu, que les textes considéraient en lui son aspect suprême (para ), ses expansions d’ordre cosmique (vyuha ) et ses descentes occasionnelles (avatara ): ce sont là trois aspects du Seigneur parmi les cinq dont la tradition veut trouver la trace dans le nom même du pañcaratra. Le quatrième, l’antaryamin , régent intérieur, Dieu présent au cœur de chacun, rejoint les plus vieilles notions upanishadiques: ainsi celle du «poucet» (purusa ) visible dans l’œil, réplique de l’homme d’or dans le Soleil, mais existant aussi, invisible, dans le cœur de l’homme.

Le cinquième enfin, l’arca , est d’une importance capitale dans le culte: il s’agit de la représentation figurée en pierre, bois ou métal, objet d’adoration pour les dévots. Il ne faut point voir d’idolâtrie en cela, car une parcelle de la divinité se trouve incarnée dans l’image; c’est à elle que l’on rend hommage, non à la figure façonnée de main humaine. Avant de la livrer au culte, on doit la consacrer à l’aide de divers rites ; suivant l’expression technique, on lui «ouvre les yeux». La présence du Seigneur dans son image est un fait constant du vichnouisme: de nombreuses légendes citent les cas de fidèles qui disparaissent embrassés par la statue qu’ils adorent. Un des exemples les plus fameux est celui de la poétesse Andal, qui appartenait au groupe des alvar: on s’apprêtait à célébrer ses noces avec l’image de Visnu dans le temple, lorsque celle-ci, l’étreignant, l’absorbe en elle et la fait disparaître aux yeux des assistants. Ainsi le vichnouisme met-il l’accent sur cette fusion du dieu et du fidèle que provoque la dévotion. Celle-ci, la bhakti, n’est pas autre chose qu’une sortie du relatif pour rejoindre l’Absolu et s’y fondre.

Le fait de considérer la statue comme vivante explique certaines modalités du culte qu’on lui rend. L’hommage quotidien à l’image fixe du dieu dans son sanctuaire reproduit les différents soins rendus par ses serviteurs à un personnage princier. Le prêtre chargé du service du dieu, selon des rites immuables et minutieux, chaque matin le baigne, l’habille, lui offre de la nourriture; puis, le soir venu, le déshabille pour la nuit selon un cérémonial qui est la réplique de celui du matin.
Aux fêtes solennelles, on sort le dieu de son temple, qui est sa demeure; non pas la lourde statue de pierre, mais une plus légère et plus petite, en bois ou en métal, souvent copie de la statue fixe. En suivant un parcours rituel, on promène la divinité, fréquemment sur un char monumental auquel s’attellent des dizaines, parfois des centaines de dévots: c’est le cas, par exemple, en Orisa, au temple du Jagannatha (Maître de l’univers), l’un des noms de Visnu.
Tel est le culte convenant à la multitude. Les fidèles plus éclairés recourent à un procédé d’intériorisation: il leur suffit d’invoquer le dieu en pensée, de se le représenter comme s’il était là en personne et d’exécuter mentalement les gestes de service et d’hommage que l’on ferait devant sa statue. Cette tendance remonte, elle aussi, à une époque lointaine. La Mahanarayana Upanisad insistait déjà sur l’aspect mental de l’oblation faite non plus au feu sacrificiel, mais au souffle, son symbole.

Pundra, diksa et mantra
Le fidèle vaisnava se distingue par une marque (pundra ) qu’il se trace sur le front avec de la cendre; ce signe se compose de trois lignes verticales dont seule celle du milieu est parfaitement droite; les deux autres, légèrement obliques, se rapprochent un peu vers leur base.
On en a donné diverses interprétations; l’une des plus courantes voit dans ces traits la schématisation d’une empreinte des pieds divins que l’on s’imprime sur le front en signe de soumission et d’humilité. «Mettre sa tête sous les pieds de quelqu’un» est d’ailleurs une formule qui marque le respect et revient fréquemment dans les textes.
Seul le fidèle qui a reçu la diksa (consécration) a le droit de se revêtir de ce signe. Comme dans toutes les autres traditions de l’hindouisme, l’initiation joue un rôle important dans la vie religieuse, même si les groupes vichnouites plus récents, en particulier le srivaisnavisme issu de Ramanuja, ont simplifié les cérémonies: en effet, un maître de maison qui connaît les traités peut conférer le premier degré de l’initiation, sans qu’un célébrant soit spécialement requis.
Un des points les plus importants de l’initiation concerne le mantra . Chaque secte - outre toute une gamme de courtes prières (mantra ), brèves invocations ou louanges adressées à la divinité - possède un mantra spécifique où figure le nom sous lequel le dieu est invoqué de préférence dans la secte. La remise du mantra de base (mulamantra ) est une partie essentielle de ces cérémonies qui introduisent solennellement le fidèle dans un groupe religieux.
Après ce premier pas, celui qui aspire à devenir un vrai brâhmane vichnouite doit, par ailleurs, s’adonner à l’étude approfondie des textes sacrés, c’est-à-dire non seulement ceux qui relèvent de la Révélation commune, mais aussi les textes particuliers tenus pour essentiels et variant suivant les différentes sectes.
Le parfait brâhmane vichnouite et la bhakti

Celui qui a entrepris de se consacrer tout entier à l’adoration du dieu mène une existence minutieusement réglementée, entièrement dominée par l’observance de multiples rites qu’il doit exécuter en son honneur. Pour le pieux vaisnava, la journée se découpe en cinq périodes soumises à des règles strictes. La première, l’abhigama , commence avant le lever du soleil; chaque geste s’accompagne de la répétition des noms du Seigneur, les invocations et les méditations se poursuivant durant les ablutions rituelles, les purifications de rigueur et le bain qui les suit; cette période se termine par les prières du matin. Ainsi purifié physiquement et mentalement, le brâhmane vichnouite se met à rassembler les divers matériaux nécessaires au culte: fleurs, parfums, graines, etc.; pendant cette nouvelle phase, l’upadana , il cherche à approfondir sa paix intérieure à l’aide de lectures et de conversations pieuses. Vient le bain du milieu du jour; c’est le moment de l’ijya , l’adoration; après avoir médité ardemment sur les maîtres de sa secte et sur Dieu, le Maître suprême, le dévot célèbre la puja , le culte proprement dit. Le repas, qui ne doit pas troubler l’atmosphère méditative où est plongé le brâhmane, est ponctué d’offrandes aux souffles (prana ) et de la répétition des noms divins; ceux-ci sont très nombreux; certaines litanies en comptent jusqu’à mille et leur récitation est un exercice vivement recommandé. Après le repas, le brâhmane vichnouite doit se livrer à la méditation des textes sacrés; la prière du soir - juste au moment où le soleil disparaît - met fin à cette période d’étude (svadhyaya ). Quant au cinquième stade, on le nomme yoga , mais en donnant à ce terme un sens spécifique d’union; ici prennent place les pratiques par lesquelles le fidèle cherche à s’endormir dans la pensée du dieu et de ses perfections.
On a souvent dit que Visnu était le dieu des brâhmanes; néanmoins, tous les mouvements réformateurs se sont efforcés de faire du vichnouisme une religion ouverte à tous. L’abondance des réglementations ne doit pas nous induire en erreur; il ne faut pas oublier que c’est dans cette tradition religieuse que sont probablement nés et, en tout cas, se sont épanouis les cultes de dévotion (bhakti ) dont la Gita est le premier texte important. Dans cette perspective, le rite en lui-même n’est qu’un support. Il n’atteint sa véritable efficacité que s’il s’accompagne du sentiment de confiance et d’amour qui précipite le fidèle aux pieds de la divinité et lui inspire le désir passionné de se joindre à elle.

En échange, le dieu, de son côté, se penche vers le dévot et lui accorde d’accéder à lui. La libération, pour un bhakta, ne consiste pas seulement à échapper au cycle de la transmigration, mais aussi à rejoindre le Seigneur et à se fondre en lui, comme l’illustrent les légendes de la disparition, à l’intérieur de la statue, de ceux qui, l’esprit concentré dans la pensée du dieu, lui rendent un culte.

3. Les sectes vichnouites
Les principaux traits du vichnouisme se sont maintenus sans grands changements à travers les siècles; toutefois, sous l’influence des mouvements sakta d’origine shivaïte, s’est développée une tendance à donner de plus en plus d’importance au principe féminin Sri-Laksmi. D’autre part, des différences de détail apparaissent dans les diverses sectes: contamination de cultes locaux qui ont été assimilés mais confèrent par endroits une coloration particulière, ou influence d’un grand réformateur religieux donnant forme à des idées qui, jusqu’à lui, conservaient un certain flou.
Il est probable que ce mécanisme a toujours joué, même à haute époque, ainsi qu’en témoigne par exemple la multiplicité des écoles védiques. Mais, pour les premiers siècles de l’ère chrétienne, on ne sait pas grand-chose sur les particularités locales du vichnouisme; seuls sont connus quelques grands courants; il faut attendre le Xe siècle pour qu’affluent les témoignages sur la formation de diverses sectes, qui coïncident généralement avec le développement du culte de Sri.
Ramanuja, Nimbarka et Madhva

Le groupe religieux où a vécu Ramanuja (XIe-XIIe s.) comptait déjà des maîtres réputés, en particulier Yamunacarya. Ramanuja en fut cependant le véritable réformateur. Bien que vedântin et se réclamant de l’enseignement des upanisad, il entreprit, dans ses écrits, de réfuter la doctrine de non-dualité absolue qu’avait enseignée Sankara et qui n’accordait aucune réalité à la création. Ramanuja, au contraire, défend celle-ci: tout ce qui existe est non différent du Seigneur, mais est aussi réel que lui et trouve en lui son support et sa justification.
Le culte de Sri s’affirme dans le nom même que portera son groupe religieux; les srivaisnava sont les fidèles à la fois de Visnu et de Sri. Les successeurs de ce culte se partagent en deux grandes branches: à l’extrême sud du pays tamoul, les tengalai continueront à subordonner la déesse au dieu: elle est le premier des êtres créés; les vadagalai , plus septentrionaux et implantés dans des régions davantage marquées par le shaktisme, accorderont à Sri une place de plus en plus importante.
Les positions râmânujiennes se sont diffusées vers le Nord, en particulier par l’intermédiaire d’un autre vedântin, Nimbarka, qui se proclamait disciple de Ramanuja, bien qu’il lui fût postérieur d’environ un siècle. Plus qu’au couple Visnu-Sri, c’est à l’aspect Krsna-Radha qu’il voue son adoration. D’autre part, à la bhakti qu’avait prêchée son prédécesseur, il substitue la prapatti , le complet abandon à Dieu, qu’on peut considérer comme un degré de plus dans la confiance du fidèle.
Toujours dans l’orbite vedântine se succèdent plusieurs mouvements vichnouites importants. Au XIIIe siècle, Madhva, originaire du pays kannada, y fit école, ainsi qu’au Maisur. Seul parmi tous les grands penseurs de l’Inde, il proclame un dualisme radical: la création est distincte du Seigneur, le monde matériel du monde des âmes. Sur le plan purement religieux, il partage ses adorations entre les deux grands avatara, Krsna et Rama ; mais à travers ces deux manifestations limitées transparaît la Personne suprême, Visnu, l’Unique.

Ramananda, Vallabha, Caitanya et Tulsi Das
Au début du XVe siècle, c’est dans le Nord, à Bénarès, que surgit une grande figure vichnouite, Ramananda, issu d’une famille d’origine méridionale. Ses doctrines l’apparentent, semble-t-il, à la tradition râmânujienne. Toutefois, son culte s’adresse à Rama, non à Krsna. Il existait depuis longtemps, dans le sud de l’Inde, une secte consacrée à Rama, mais, avant Ramananda, elle n’avait pas trouvé de véritable porte-parole. Plus encore que Ramanuja, qui avait pourtant voulu faire du vichnouisme une religion accessible à tous, il accentue l’ouverture vers les hors-castes et les non-hindous. Pour mieux atteindre la foule, il abandonne le sanskrit et écrit en langue vulgaire. Ni lui ni ses disciples n’ont tenté de fonder vraiment une secte, ayant plutôt adopté une attitude mystique qui devait agir sur les mouvements tardifs.
Au XIIIe siècle déjà avait vécu, également à Bénarès, un certain Visnusvami, dont les doctrines semblent inspirées de celles de Nimbârka. Dans cette lignée spirituelle naquit, à la fin du XVe siècle, Vallabha, brahmane d’origine telugu, qui marqua un retour très accentué dans le sens de l’explication moniste des doctrines vedântines: les âmes individuelles pas plus que le monde extérieur ne se distinguent du seul Existant, Krsna, Brahman suprême, supérieur à la triade classique, Visnu-Siva-Brahma. Par ailleurs, très influencé par le shaktisme, Vallabha voit en Radha l’énergie co-éternelle, inséparable de Krsna. Son fils lui succéda à la tête de la secte, qui fut longtemps florissante, particulièrement au Bengale et dans les environs de Mathura.

On avait toujours eu tendance, dans l’hindouisme, à identifier le maître spirituel (guru ) avec la divinité qu’il honorait. Dans les milieux où se diffusa l’enseignement de Vallabha, l’identification se marqua, entre autres, par le fait que le palais du guru - appelé maharaja (souverain) et non acarya (maître) - servait aussi de lieu de culte. Le guru étant Krsna incarné, ses fidèles se considèrent comme étant les bergers (gopa ) et les bergères (gopi ) que chantaient le Bhagavata Purana et surtout un texte mystico-érotique du XIIe siècle, le Gitagovinda de Jayadeva. Cette interprétation entraîna des abus et, vers le XVIIIe siècle, la secte s’émietta en divers sous-groupes.

Presque en même temps que Vallabha vivait, d’abord au Bengale, puis en Orisa, Caitanya, qui fonda une autre secte tout imprégnée d’affectivité. Il ne parle plus de bhakti ni même de prapatti mais de preman , l’amour passionné que le dévot doit vouer à Dieu. Dans le culte, il accorde une place prééminente à la louange chantée et à la récitation des noms du Seigneur. En dehors de ces deux pratiques, il ne s’intéresse guère aux rites, car seul, à ses yeux, compte l’attachement inconditionnel à Krsna. La tendresse qu’il porte à celui-ci rejaillit sur les créatures; aussi s’élève-t-il contre les préjugés de caste d’une façon plus radicale même que Ramanuja ou Ramananda. Les disciples immédiats de Caitanya, six gosvami (titre spécial à ce groupe religieux), s’établirent à Vrndavan, là même où naquit le krishnaïsme ; la secte y demeura vivante jusqu’au XVIIIe siècle. Caitanya eut aussi de nombreux adeptes en Orisa et en Assam. Après une éclipse de près de cent ans, l’influence de ses enseignements s’est exercée indirectement, à la fin du XIXe siècle, dans le Brahmo Samaj, église unitaire, donc non spécifiquement vichnouite, fondée par Raj Ram Mohan Roy.

Tulsi Das, qui naquit au début du XVIe siècle, se rattache davantage au courant de Ramananda qu’à celui de Vallabha ou à celui de Caitanya. Il résidait habituellement à Ayodhya, d’où il partait pour des tournées de prédication, avant de se fixer, lui aussi, à Bénarès. Rama est le nom sous lequel il rend hommage au dieu; son grand poème Ramacaritamanasa connut une large diffusion à travers l’Inde entière; mais, comme pour Ramananda, il faut voir en lui moins un réformateur ou un chef de file qu’un mystique, dont les écrits exercent leur rayonnement encore aujourd’hui.

Le vichnouisme dans l’ouest de l’Inde
Le courant vichnouite a revêtu dans l’ouest de l’Inde, au Maharastra, une forme originale. Le substrat vichnouite - et surtout krishnaïte - y remontait à haute époque. Déjà le Mahabharata présentait Dvaraka comme la ville fondée et gouvernée par Krsna. Nombreuses étaient, dans ces régions, les tribus pastorales qui se proclamaient les fidèles du dieu berger. On a connu assez tôt, dans ces mêmes contrées, certains sages qu’on disait avoir expérimenté la Réalité suprême et auxquels on donnait le nom de sant , terme que l’on traduit, approximativement, par «saints».

Vers le moment où, dans le Sud, se développait le srivaisnavisme, l’appellation en vint à s’appliquer tout spécialement à une catégorie de fidèles vichnouites qui honoraient le dieu sous le nom de Vitthal ou Vithoba. Ainsi que pour les disciples de Ramananda et de Tulsi Das, il s’agissait moins d’une secte organisée, avec ses prêtres et ses laïcs, que d’un certain climat mystique. Le vichnouisme des sant apparaît très épuré; et il semble avoir échappé longtemps à l’influence du shaktisme. C’est tardivement qu’on a révéré, aux côtés du dieu, Rukmini, l’épouse de Krsna - l’épouse et non plus Radha, la favorite, ce qui indique une coloration affective assez différente.

Les deux noms marquants de ce courant religieux sont ceux de Jñandev, au XIIIe siècle, et de Namdev, au XIVe siècle. Ce dernier devait proscrire le culte des images; peut-être faut-il voir dans ce refus, si frappant par rapport à l’hindouisme traditionnel, l’influence de l’islam, solidement établi sur la côte occidentale de l’Inde. On peut y discerner aussi une conséquence extrême de la pensée vichnouite: le srivaisnavisme n’ayant cessé de proclamer l’omniprésence divine, pourquoi donc rendre hommage à Dieu sous une forme limitée? Namdev, par contre, a conservé une pratique ancienne: la récitation des noms du Seigneur. De nombreux recueils, relatant la vie et les actions légendaires des saints marathes, existent en langue vulgaire et connaissent encore aujourd’hui une grande faveur.

Au XVIIIe siècle, un autre mystique célèbre de la région marathe, Tukaram, marque plutôt un retour vers les formes habituelles de la religion. Toutefois, il témoigne lui aussi d’une sorte d’éloignement par rapport au culte des images; il admet seulement la représentation de Vithoba et de son épouse; encore n’y découvre-t-il, probablement, qu’un support de méditation et un symbole, en aucun cas une incarnation divine, comme le fait le vichnouisme traditionnel.
Lorsqu’on parle de vichnouisme ou de shivaïsme, il ne faut pas perdre de vue qu’il s’agit seulement de modalités différentes d’une réalité plus large qui est l’hindouisme. Dans ces deux grands courants, une multitude de canaux, plus ou moins importants, prennent leur source.

Il existe dans le vichnouisme actuel une forme de culte très générale, qui est pratiquée dans toute l’Inde, même dans des temples consacrés à Siva. Parallèlement, la vie des sectes se poursuit. Mais le mot «secte» est gênant et rend compte imparfaitement des faits. Il faut parler plutôt de groupes religieux qui se rattachent à une même tradition, à un même réformateur, qui s’appuient de préférence sur tel texte sacré et récitent telles invocations plutôt que d’autres. D’un temple à un autre, même appartenant au même groupe religieux, certaines pratiques différentes peuvent s’établir et se maintenir. On ne doit pas trop s’arrêter à ces divergences; l’essence de la croyance est ailleurs et s’enracine dans la conception même de la divinité, celle-ci étant dominée par une contradiction fondamentale entre son immuabilité foncière et l’innombrable multiplicité de son action. Celle-ci, qui implique un passage de l’absolu au relatif, s’exerce toujours dans le sens d’une aide apportée à ce relatif: l’univers ou l’homme. Aussi le vichnouisme est-il le milieu où pouvait naître et s’épanouir une religion insistant sur les rapports affectifs entre le fidèle et le dieu.


Apsara

Génies intermédiaires du panthéon védique organisé selon une structure hiérarchique à trois niveaux: au sommet, les grands dieux, souverains du domaine cosmique (Indra, Varuna, Vishnu, etc.); en dessous d’eux, des dieux secondaires qui assistent les précédents dans leurs fonctions (par exemple Agni, qui préside au sacrifice; les maruts, qui combattent pour Indra; le Soma, qui féconde les eaux pour qu’elles assurent la vie de l’Univers); plus bas enfin se situent les génies du monde intermédiaire (la sphère d’existence qui fait la transition entre la Terre et le Ciel). Là vivent des êtres, supérieurs aux hommes mais inférieurs aux dieux, immortels comme ces derniers, mais vivant en familiarité avec les humains; leur domaine d’activité est celui d’une sorte de surveillance de la nature (étangs, rivières, arbres, montagnes, nuages) en rapport avec le rôle qu’y joue l’humanité (agriculture, élevage, mines, constructions). On ne peut donc creuser la terre, ouvrir un sillon, établir des fondations, naviguer, voyager dans la forêt, gravir une montagne sans commencer par accomplir des rites de propitiation vis-à-vis des êtres qui en ont la garde. Parmi ces «génies» (bh?ta ) prennent place les Apsaras, qui correspondent à la fois aux nymphes de la mythologie grecque et aux Walkyries des légendes germaniques. Ce sont, en effet, des femmes (toujours jeunes et belles) qui volent dans l’atmosphère, mais fréquentent volontiers les lacs et les rivières: on les compare à des oiseaux aquatiques, flamants ou cygnes. Lorsqu’elles nagent parmi les nénuphars, elles se montrent parfois aux hommes et s’offrent à eux: malheur à celui qui les refuserait ou ne les satisferait pas! Elles le rendraient fou ou le feraient dévorer par les bêtes sauvages qui entendent leur voix et leur obéissent. Au contraire, celui qui sait être leur amant gagne parfois le statut d’immortel (demi-dieu, héros), après une série d’épreuves initiatiques. Par ailleurs, elles président aux jeux de hasard et favorisent, ou perdent, celui qu’elles aiment, ou haïssent. Là encore, on ne saurait lancer les dés sans adresser d’abord une prière aux Apsaras. Enfin, elles sont les inspiratrices de la fureur guerrière et volent autour des combattants pendant la bataille: ceux qui ont fait preuve de courage et ont la chance de périr les armes à la main sont saisis par elles et conduits dans un paradis qui leur est spécialement réservé; les Apsaras y seront leurs amantes insatiables jusqu’à la fin du cycle cosmique. On aura remarqué que c’est toujours un égarement d’esprit que produisent les Apsaras, ce qui évidemment donne un caractère ambigu à leur action: bénéfique ou maléfique, celle-ci peut apparaître comme une diminution de la faculté humaine éminente qu’est la raison. C’est pourquoi les théologiens mettent en garde contre les Apsaras ceux qui veulent progresser spirituellement: elles apparaissent alors comme les tentatrices par excellence. Dans l’hindouisme classique, ces fées deviennent franchement démoniaques - du moins dans les textes doctrinaux -, les contes, le folklore, la religion populaire continuant au contraire à les vénérer et à solliciter leurs faveurs.

 

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